L’environnement en actes à la MonnaieReportages

7 juin 2006

Le Théâtre Royal de la Monnaie compte parmi les institutions phares de Bruxelles et doit sa renommée à de nombreuses initiatives artistiques. En plus de cela, la Monnaie se distingue en conjuguant programmation culturelle et labellisation environnementale. Visite guidée dans les coulisses du théâtre avec Frédérique Gervais, responsable du service éco-gestion et environnement.

Peut-être connaissez-vous déjà la Monnaie pour ses spectacles d’opéras ou avez-vous participé à l’une des visites guidées offertes chaque samedi à 12h précise ? Mais derrière la façade néo-classique du Théâtre Royal se dessinent également les contours d’une programmation environnementale novatrice qui lui a valu de recevoir le label « entreprise éco-dynamique ». Pour planter le décor, rappelons seulement que la Monnaie regroupe de multiples services (administratifs, presse, communication…), des ateliers (décors, costumes…), un orchestre, des danseurs, des chanteurs et la liste est loin d’être exhaustive. Soit 450 personnes fixes et près de 2000 temporaires par an qui oeuvrent pour la production et la conception de spectacles d’opéras. Une structure complexe donc, qui n’a pas empêché la Monnaie de décrocher 2 étoiles du label « entreprise éco-dynamique » fin 2005. Retour en arrière et projection d’une « success story ».

Synopsis environnemental

Premier acte. Le label « entreprise éco-dynamique », mis en place en 1999, est une initiative de l’IBGE (Institut Bruxellois de Gestion de l’Environnement) en collaboration avec différents partenaires institutionnels. L’objectif est d’encourager les entreprises et organismes bruxellois à s’engager volontairement dans une démarche d’amélioration progressive de leurs performances environnementales. Pour se faire, l’IBGE distribue 1, 2 ou 3 étoiles à l’entreprise ou l’organisme selon ses initiatives et ses performances de management environnemental. Dès le départ, Bernard Coutant, gestionnaire financier du théâtre, assisté d’Ariane Bosquet, fait entrer l’environnement dans « la maison » en incitant le directeur général Bernard Foccroulle à signer une charte environnementale auprès de l’IBGE. Le processus environnemental est alors lancé pour remettre un dossier de candidature à l’IBGE. La Monnaie reçoit sa 1ère étoile en 2002. Deuxième acte. Trois ans plus tard, à l’occasion du renouvellement du dossier, la Monnaie se voit décerner 2 étoiles. Un logo environnemental propre à la Monnaie est créé. Histoire que le grand public soit aussi au courant de ce qui se trame dans les locaux. À moyen terme Frédérique Gervais, responsable du service éco-gestion et environnement, espère bien pouvoir dispenser un grain d’environnement dans les visites guidées du théâtre en accord avec les responsables du service éducatif. Troisième acte. Selon elle, les deux étoiles ont un rôle à jouer tant au niveau de la communication auprès du public que dans la crédibilisation de son travail. Mais comment ne pas reposer sur ses lauriers après un tel aboutissement ? Quels sont les changements palpables à la Monnaie?

L’environnement, pièce par pièce

Si toutes les réalisations environnementales ne sont pas visibles au premier coup d’œil en pénétrant dans l’antre de la Monnaie, le plus gros du travail a été effectué en amont. Car l’obtention du label « entreprise éco-dynamique » n’est pas un événement one-shot. En 2001, une équipe d’éco-conseillers de l’ABECE (Association Belge des Eco-Conseillers et Conseillers en Environnement) avait déjà initié le personnel du théâtre à la protection de l’environnement et à la minimisation des déchets. Depuis, la cantine de la Monnaie approvisionnée par Sodexho, leader mondial de la restauration collective, est certifiée ISO 14001. Pour continuer sur cette lancée, en 2005, une action « Printemps » avait pris ses quartiers dans le réfectoire pour une journée « environnement » agrémentée de décorations florales, d’affiches « nature », de brochures et d’un « éco-quizz » avec à la clef un panier de produits Oxfam pour l’heureux élu. Histoire d’ « infiltrer » un peu plus l’environnement dans la grande maison qu’est La Monnaie. C’est chose faite à certains égards si l’on considère les acquis du personnel en matière de mobilité. 5% seulement des employés viennent en voiture. Une bonne pratique renforcée par le non-remboursement des frais de déplacements effectués en voiture tandis que des indemnités de 0,15€/km sont prévues pour les déplacements en vélo. Sans oublier l’intervention dans le prix des abonnements de train et de transports en commun. Pour inciter le personnel, des poubelles de tri sont également disséminées dans les multiples salles et bureaux que compte l’édifice. Des poubelles personnalisées à l’aide de pochoirs réalisés par une peintre de l’atelier décor. Sans oublier que les productions réalisées par La Monnaie génèrent beaucoup de déchets toxiques. Ces déchets sont triés et récupérés par l’Intercommunale de gestion des déchets Bruxelles Propreté. L’environnement s’étend donc véritablement hors les murs avec la mise en place de filières de récupération. Ainsi les encombrants, le matériel informatique et électroménager sont repris par l’asbl La Poudrière, entreprise d’économie sociale porteuse du label éthique Solid’R.

« 80% de relations humaines »

Un ensemble de paramètres détermine la gestion environnementale de la Monnaie. Pour Frédérique Gervais, l’environnement « ne consiste pas seulement à éteindre les lumières et trier les déchets. Tout n’est pas dû au laisser-aller des personnes. Il faut par exemple prendre en compte le réglage et le fonctionnement des installations ». Un travail de comptabilité et d’audit énergétique a par exemple débouché sur une réduction des dépenses et consommations en eau, électricité et chauffage. Dans cette même optique, l’opération du moment consiste à changer les bacs de décantation sous les éviers des ateliers de peinture et de sculpture, afin de récupérer les résidus de peinture et de plâtre et de traiter l’eau avant qu’elle ne parte dans les égouts. Pour ce type d’action, il convient de « voir ce qui se fait en matière de technologies et d’innovation sur le marché. C’est un travail de recherche et de communication. » D’où l’importance d’agir en concertation avec les gens des ateliers, qui sont les premiers concernés, mais également avec la direction qui donne son feu vert pour un tel investissement. Parfois la diminution de l’impact écologique et la réduction des coûts font bon ménage. À ce titre, le soutien de Bernard Coutant, gestionnaire financier et par ailleurs responsable du label, oriente la marge de manœuvre dont dispose la personne responsable du service éco-gestion. Reste que le facteur « humain » est un auxiliaire précieux pour diffuser les informations nécessaires à la sensibilisation du personnel. Et Frédérique Gervais de rappeler qu’il est préférable de remplacer des affichages à gogo par des rencontres. « Il est intéressant de savoir qui sont les employés avec qui je travaille pour communiquer positivement avec eux, qu’il s’agisse des régisseurs, techniciens de plateau, responsables d’ateliers… Je travaille donc avec les personnes selon leur champ d’action et les priorités environnementales. À La Monnaie, les gens sont vraiment débordés et tu prends de leur temps pour les sensibiliser. Et puis, l’environnement c’est une culture en soi. C’est quelque chose de nouveau et dérangeant. Alors comment leur donner envie ? Tu ne peux pas non plus être amie avec 500 personnes pour les sensibiliser, même si l’empathie est très importante ! Mon travail, c’est 80% de relations humaines ». Alors, la démarche environnementale instaurée à la Monnaie mais également dans la salle de concerts l’Ancienne Belgique (deux étoiles) pourrait-elle porter ses fruits ailleurs? Peut-être si l’on en croit Frédérique Gervais qui souhaite constituer un réseau avec les responsables d’autres institutions culturelles bruxelloises. L’idée ? « Les entreprises culturelles sont très tournées vers la communication puisqu’elles réfléchissent aux produits proposés. Alors pourquoi ne pas réfléchir à une façon d’utiliser la même réflexion pour l’environnement ? Pourquoi ne pas organiser un événement culturel où l’environnement percolerait pour dynamiser le tout… ? ». Le programme de la prochaine saison est donc ouvert.

Hélène MORI

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Un commentaire sur “L’environnement en actes à la Monnaie”

  1. Isabel Joly dit :

    Bravo pour le travail de La Monnaie en matière d’environnement!
    En tant que responsable d’un réseau européen des services éducatifs de maisons d’Opéra (RESEO), je sais à quel point l’éducation/la sensibilisation est un travail de longue haleine. Il serait intéressant de savoir si d’autres maisons d’opéra à travers l’Europe font ce même effort en matière de développement durable… Un exemple à suivre!