Retour vers le futur durable

27 février 2008

rapportDD-BfPSous le titre symptomatique « Accélérer la transition vers un développement durable », le Bureau fédéral du Plan (BfP) vient de publier son 4e rapport bisannuel sur le développement durable. Tourné vers l’avenir, ce rapport présente les objectifs pour un monde durable et trace deux chemins pour les atteindre d’ici… 2050. Rencontre avec Natacha Zuinen, de l’équipe Task Force Développement durable du BfP.

Quel est l’intérêt de votre démarche de projection dans une vision positive du futur ?

Les citoyens ont besoin de se projeter dans l’avenir. Ils ont besoin d’une vision du monde positive. Notre démarche est un travail d’équipe qui consiste à imaginer un monde dans lequel chaque être humain vit dans des conditions décentes et dans lequel l’environnement est protégé. Cette démarche de projection à long terme peut aider les individus à prendre du recul par rapport à la réalité, afin de réfléchir à un objectif commun et aux moyens d’y parvenir.

Vous avez imaginé deux scénarios permettant d’atteindre une société durable…

Avant tout, nous avons construit un modèle conceptuel, le modèle « TransGovern », représentant le développement de la société. Il permet de relier la transformation des conditions sociales, environnementales et économiques de la vie en société à la politique publique permettant d’influencer ces conditions de vie. C’est à partir de ce modèle, qui met en évidence les ressources dont nous avons besoin pour nous développer, que nous avons construit des scénarios de développement durable. Cette construction a eu lieu en deux étapes: définir des objectifs (1) de développement durable à atteindre en 2050 et identifier deux chemins pour atteindre ces objectifs. Deux scénarios différents, « pyramide » et « mosaïque », ont ainsi pu être décrits.
La première différence entre ces scénarios est que le scénario « pyramide » met en avant une forte volonté internationale de définir des accords internationaux sur des normes sociales et environnementales pour tous, pour que le développement de la planète devienne plus durable, alors que dans le scénario « mosaïque », les Etats doivent largement compléter les faibles progrès au niveau international par des actions plus volontaristes et adaptées au niveau national. L’autre grande différence est liée au type de connaissances privilégié dans les deux scénarios. Dans « pyramide », on préfèrera les connaissances sur les technologies, tandis que dans « mosaïque », les connaissances dans les changements de comportements et dans l’organisation sociale sont privilégiées, sans pour autant oublier les progrès technologiques.
Si la société s’oriente vers un développement durable, le chemin qu’elle suivra se situera certainement entre ces deux scénarios. L’intérêt est d’interpeller les différents acteurs sur le type de développement qu’ils souhaitent.

Où pourrait se situer l’éducation au développement dans ce genre de modèle ?

L’éducation n’étant pas une compétence fédérale, nous ne l’avons pas traitée de façon détaillée dans les deux scénarios. Il est cependant clair que le type de connaissances privilégié dans les deux scénarios est très différent. Davantage de progrès des connaissances dans les sciences exactes, dans les technologies physiques, chimiques… pour « pyramide ». Davantage de progrès des connaissances dans l’organisation sociale et les comportements humains pour « mosaïque ». Le scénario « mosaïque » est d’ailleurs plus intensif en main d’œuvre: les gens y travaillent plus que dans « pyramide » parce que les techniques mises en place sont différentes. Pour l’éducation, en suivant la logique des deux scénarios, « pyramide » privilégierait de grandes universités organisées au niveau européen et international et une concentration des moyens à un niveau plus élevé, alors que dans « mosaïque », un système plus hétérogène et organisé à une plus petite échelle serait promu.

La notion de croissance économique, présente dans votre modèle, peut susciter des questions…

Pour s’orienter vers un développement durable, une croissance économique est, selon nous, nécessaire pour autant qu’elle soit de type durable et qu’elle soit plus forte dans les pays en développement. Il faudra en effet pouvoir dégager suffisamment de revenus pour faire face aux dépenses qui nous permettront d’atteindre les objectifs internationaux en matière de développement durable, tels que lutter contre la pauvreté, mieux protéger l’environnement, mieux soigner les individus. Mais la préoccupation essentielle des travaux de notre équipe est d’éviter de promouvoir des consommations et productions non durables et, donc, de veiller au contenu de cette croissance pour que le développement soit durable.

Remettez-vous parfois en question la notion même de développement durable ?

Nous ne la remettons pas en question, mais il nous arrive de nous demander si les changements nécessaires seront suffisamment rapides. Les évolutions sont très lentes et certains signes, par exemple dans le domaine de l’environnement et de la santé, sont très inquiétants. Par ailleurs, toute une série d’engagements politiques définis depuis plusieurs décennies ne sont pas atteints. Mais il existe aussi beaucoup de petits signes positifs de changement et nous voulons soutenir ces changements avec les outils que nous proposons. Notre travail de prospective a un horizon lointain, 2050, soit une période suffisamment longue pour que des changements fondamentaux puissent être effectués. En observant l’évolution qu’a connue notre société depuis la seconde guerre mondiale, donc depuis 50 ans, on constate que des changements tout à fait fondamentaux ont eu lieu. Ces changements, les personnes nées au début du siècle ne les auraient jamais imaginés. L’homme est capable de changements sérieux, sensés et profonds. C’est encore tout à fait possible. Mais c’est urgent et beaucoup de gens n’en sont pas encore conscients.

Propos recueillis par Céline Teret
Interview réalisée à l’occasion du Parcours d’ErE (Education relative à l’Environnement) organisé par le Réseau IDée et au cours duquel le Bureau fédéral du Plan était venu présenter ses travaux. Plus d’infos sur www.reseau-idee.be/parcours-ere

(1) Le Bureau du Plan a identifié 3 grands objectifs du développement durable, sur base des conférences internationales de Rio (1992) et de Johannesburg (2002) : l’éradication de la pauvreté ; la protection et la bonne gestion des ressources naturelles, y compris en énergie ; le changement des modes de consommation et de production non durables.

Pour en savoir plus :

  • Le Bureau fédéral du Plan (BfP) réalise des études et des prévisions sur des questions de politique économique, sociale, environnementale et leur intégration dans une perspective de développement durable. Plus d’infos sur www.plan.be
  • cover-rapportDDBfP

  • « Accélérer la transition vers un développement durable », rapport fédéral sur le développement durable 2007, Task Force Développement durable, BfP, 271 p., décembre 2007. Une synthèse du rapport, ainsi qu’une brochure résumant de manière plus accessible et dynamique l’ensemble du rapport, sont également disponibles. Tous ces documents sont téléchargeables sur http://sustdev.plan.be

2 commentaires sur “Retour vers le futur durable”

  1. [...] que dit le GIEC… Le WWF a aussi sorti son rapport planète vivante 2008. Et il y a encore d’autres rapports… A lire aussi…Vers un monde durable (introduction): Un problème globalVers un monde [...]

  2. COLPIN Didier dit :

    ASPECT SOCIETAL DU « DEVELOPPEMENT DURABLE »

    - Place de l’Humain.
    Le « développent durable » s’appuie sur trois piliers : économique, environnental et sociétal. Car rien n’est faisable sans l’Humain !
    Et, c’est dans cette logique, que lorsque les partenaires sociaux sont invités à s’exprimer sur des sujets comme la mixité dans l’entreprise et la place des femmes ou bien la conciliation des temps de vie, ce n’est pas au Ministère du Travail qu’ils se rendent, mais à celui du Développement durable !
    Détaillons quelque peu.

    - Constat du déséquilibre.
    A ce jour, persiste toujours un écart de 25% entre le salaire moyen des hommes et celui des femmes… S’il faut être positif, alors soulignons que cela est infiniment mieux que dans les années 60 où cette différence flirtait avec les 50% ! Est-ce pour autant satisfaisant ? Bien évidemment non !
    Est lié à cet aspect financier du déséquilibre, la ségrégation pratiquée dans l’attribution de responsabilités : d’une manière plus ou moins consciente, les différents acteurs de la vie professionnelle -tant masculins que féminins, du postulant à un poste au décideur- ont encore tendance à spécialiser le rôle social de l’homme et de la femme au détriment du potentiel de l’individu, quelque soit son sexe. Ce frein à l’égalité génère un « plafond de verre », un « plancher collant » qui empêche les femmes d’accéder en plus grand nombre à des postes de direction : L’exercice du pouvoir reste un apanage masculin…
    Hommes et femmes ne sont pas en égalité dans l’entreprise : Plusieurs enfants, c’est plutôt favorable à la carrière d’un homme, et défavorable à celle d’une femme. C’est ce qui appelé la « notion de l’escalier inversé ».

    - Une explication culturelle.
    Ne nous voilons pas la face, la phallocratie y est pour beaucoup… En effet, à qui les lois -faites historiquement par les hommes- n’ont-elles régulièrement reconnu qu’une citoyenneté de second rang sinon aux femmes ?
    Sans s’y étendre, il fallait mentionner ce travers… Cela étant fait, arrêtons nous sur un autre aspect.
    Dans le cadre d’une société agricole, la répartition des tâches s’effectuait pour beaucoup sur base de la force physique : les hommes aux labours, à la forge, etc., les femmes -qui alors travaillaient toutes- s’occupant des animaux plus petits de la « basse-cour », de la préparation des repas nombreux car en ces temps, les ouvriers agricoles l’étaient également, sans oublier l’entretien des vêtements pourtant appropriés à des travaux difficiles dans les champs. La notion alors très forte d’ « habits du dimanche » illustre, en creux, cette réalité d’une autre époque… Autre époque car la « révolution industrielle » est apparue et avec elle l’exode rural.
    Mais les mentalités sont restées. Et les femmes se sont retrouvées en ville trop souvent « enfermées dans la cuisine »…
    Bien sur, elles sont entrées dans ce qui est appelé « le monde du travail », parfois par la force de circonstances dramatiques, comme dans le contexte du premier conflit mondial, mais souvent aussi par une volonté active et positive d’émancipation comme la revendication du droit à l’éducation et du droit de vote pour n’en citer que deux.
    Aujourd’hui, fort heureusement, plus personne ne taxe de « mauvaise mère » celle qui travaille, ce qui reviendrait à transformer la maternité en piège, et rares sont ceux qui osent encore professer que les femmes devraient rester « à la maison ». Il est admis dans la culture française que les femmes sortent de la sphère du privé.
    Pourtant, l’écart de salaire indiqué dans les premières lignes de cet article illustre qu’encore aujourd’hui, les femmes sont considérées comme une force d’appoint et non comme un véritable moteur de l’économie.
    Il faut en conséquences accepter de revisiter les rôles de l’homme et de la femme : l’homme doit prendre plus de place dans la famille, aux femmes de l’accepter et, conséquence logique, la leur évoluera dans l’entreprise.

    - L’équilibre visé.
    Le vocable « équilibre » nous vient du latin libra qui signifie balance. Il faut donc comprendre « forces égales » ou « égalité de forces ». En d’autres termes, il s’agit de casser la marginalisation dont les femmes font l’objet, sans pourtant jouer la carte de l’opposition, et encore moins de la guerre des sexes car cet objectif ne pourra être atteint qu’avec les hommes et non pas contre eux… Sans oublier les métiers où se sont ces derniers qui, sans raisons objectivement défendables, sont minoritaires… Il faut donc favoriser une plus grande mixité, dans les différentes branches professionnelles, comme dans la hiérarchie.
    « L’équilibre visé » disions-nous il y a quelques instants. Mais il faut parler au pluriel car un autre équilibre est aussi dans le viseur : la conciliation des temps de vie. Manquer d’équilibre en favorisant sa « carrière » au détriment de sa famille revient à risquer la pérennité de celle-ci : pour favoriser la conciliation de ces deux pôles indispensables à la réalisation et à l’épanouissement de soi, les solutions existent : création, de crèches interentreprises, de services de garde d’enfants malades, de repassage, d’horaires individualisés. Tout cela afin que les couples bi actifs aient à leur disposition toute une panoplie d’outils facilitateurs qui doivent se révéler comme étant de véritables passerelles reliant deux mondes qui ne sont pas antinomiques : vie professionnelle et vie familiale. Pour la femme, comme pour l’homme !

    - Concrètement.
    Comment dépasser le stade des « vœux pieux », des paroles sans lendemain, des intentions qui restent lettres mortes ? Comment œuvrer pour obtenir autre chose qu’un équilibre instable ou un équilibre précaire, ce qui serait pour le moins renversant ? Ou comment passer des actions sporadiques à l’enracinement de l’égalité professionnelle dans le quotidien de l’entreprise ?
    Il nous est possible, par un changement de culture, de faire évoluer les mentalités. A commencer par la notre (croyons nous qu’au féminin « il regarde assis dans le salon la télévision » se dit « elle fait debout dans la cuisine la vaisselle » ?).
    La concrétisation visée ne se fera pas non plus contre les employeurs mais avec eux, dans une perspective de dialogue, par la mise en place d’une communication visant à ce que ceux-ci demandent le « Label Egalité Professionnelle » AFAQ/AFNOR
    Et il est préférable de parler mixité plutôt que parité car il serait regrettable que des quotas écartent des compétences…
    Si ce qui est ambitionné ici semble irréaliste, il faut se remémorer qu’une des leçon apportée par l’Histoire est que « l’utopie d’aujourd’hui est la réalité de demain »…

    - Pour conclure.
    La LIBERTE de l’Humain passe par une EGALITE de droits pour les deux entités qui le compose. Et seule cette égalité, en excluant tout apartheid, permet une pleine FRATERNITE des sexes.
    « Rester à la maison » est respectable et doit être respecté.
    Si c’est un choix éclairé et partagé.
    « Travailler » est respectable et doit être respecté.
    Si c’est un choix éclairé et partagé.
    Et dans des conditions juridiquement identiques avec des chances qui le sont donc également !

    COLPIN Didier