Ricardo Petrella demande la fin de la marchandisation du mondeClés pour comprendre

27 mai 2009

petrella.miniature.jpgDans le cadre du 5e Congrès mondial d’éducation relative à l’environnement (5WEEC) qui s’est tenu du 10 au 14 mai dernier à Montréal (Canada), Ricardo Petrella, politologue et économiste de renom, appelait les éducateurs de tout acabit à éduquer tant les adultes que les enfants à se libérer de cinq phénomènes qui font de notre monde un terreau d’inéquités.

1. Se libérer des menaces de destruction massive

Selon Ricardo Petrella, il ne sert à rien d’évoluer sur les plans humains et environnementaux tant que la menace nucléaire existe. La menace n’est pas seulement la prolifération des armes, mais leur qualité et leur puissance qui augmente. Citant Barack Obama, « J’ai un rêve, celui de vivre dans un monde sans arme atomique », M. Petrella invite tous les enseignants à démarrer un mouvement de jeunes pour la démilitarisation des États-Unis qui détiennent plus de la moitié des 126.000 armes nucléaires recensées dans le monde. Il les invite à rédiger et envoyer des lettres au président Obama afin qu’il mette en pratique ce qu’il a prêché. Selon Petrella, il est incohérent de demander aux autres pays de se démilitariser si on ne le fait pas soi-même. Les États-Unis doivent donc être les premiers à démanteler leur arsenal.

En 2013, lors du Traité post-Kyoto, il faudrait prévoir, en parallèle, de diminuer le stock des armes nucléaires.

2. Se libérer de la négation du droit à la vie

« Comment se fait-il que nous acceptions que 2,8 milliards d’humains vivent avec moins de 2$ par jour ? Comment se fait-il que nous acceptions que les objectifs du millénaire ne soient pas atteints ? Comment pouvons-nous accepter que les bidonvilles grandissent ? » se questionne M. Petrella. Nous devons selon lui cesser d’accepter ces inégalités, libérer notre pensée de cette acceptation fataliste et silencieuse.

L’Education relative à l’Environnement (ErE) devrait promouvoir l’objectif de l’éradication de la pauvreté et non simplement la réduction de l’extrême pauvreté. Le Congrès et les Universités devraient s’engager à nous éduquer pour transformer les bidonvilles en lieux viables, préconise-t-il.

3. Libérer la Vie de la dévastation causée par la « croissance dévoreuse de vie »

En ce moment, on laisse les marchés financiers décider de la valeur des choses. Ainsi, plutôt que de voir les gouvernements provoquer les changements par des réglementations sévères, on laisse les marchés provoquer les changements. C’est le cas pour les changements climatiques où il a fallu attendre que le marché développe les bourses du carbone pour que les entreprises se mettent à changer leurs technologies. La réglementation n’a pas changé assez vite, il a fallu que le marché s’active pour que les pollueurs cessent de polluer. Or, on ne doit pas laisser les marchés décider des orientations à prendre ou non, selon Petrella. Leurs besoins de croissance constante dévorent la Vie et les matières premières sans condition. Pour lui, c’est signe que l’on doit éduquer à la Sagesse de la vie. Il faut cesser de laisser le marché décider de Qui a droit ou non aux ingrédients de la vie, de qui a droit à l’eau, à un terrain, à des aliments, etc…. « Hugo Chavez a nationalisé le pétrole, il a été qualifié de tous les noms. Pourtant, aujourd’hui, c’est tout son peuple qui en bénéficie ».
L’ErE devrait éduquer à une sagesse de vie centrée sur la valorisation et la promotion des biens communs, indissociables et indispensables à la vie.

4. Se libérer des désastres climatiques

Petrella invite ici les éducateurs à plus de « cosmonomie », c’est-à-dire à l’enseignement des lois qui régissent la vie biologique et la société (cosmos = monde ; nomie = règle).

Par exemple, nos réponses actuelles aux « changements » climatiques sont d’ordres technologique et financier. On tente de s’adapter aux changements, de les rendre acceptables, de vendre de nouvelles technologies, de préparer la période post-pétrole, mais on le fait encore sous le même modèle économique prédateur, croit Petrella. La stratégie des bourses au Carbone est pour lui suicidaire. « Il faut devenir plus sage, sinon la pauvreté ne sera pas éradiquée, même après avoir trouvé une alternative au pétrole. On doit éduquer à la sagesse donc ». À son avis, les changements climatiques sont des désastres climatiques. Pour lui, le changement doit s’effectuer à l’intérieur de nous.

5. Se libérer de la marchandisation de la Vie

Donner un coût à l’eau, aux aliments, aux sols urbains et ruraux, à la santé, aux habitats, ce sont des choses qui empêchent d’atteindre la qualité de vie. Car l’accès à ces choses passe par la capacité du pouvoir d’achat et il y a deux milliards de personnes qui n’ont pas de pouvoir d’achat ! « On a même marchandisé le CO2, les gènes, les formules mathématiques, etc. Il faut se battre contre la marchandisation de la vie, des connaissances, de la santé. On doit redonner l’aspect sacré aux éléments qui permettent la vie. » dit-il. Selon lui, il faut déprivatiser les biens communs afin qu’ils appartiennent et soient partagés à tous. « La sacralité de la vie est le point de départ et d’arrivée pour démilitariser et éradiquer la pauvreté » conclut-il.
L’ErE devrait ainsi se battre contre la marchandisation, éduquer à la sacralité de la vie, lutter contre la privatisation de la vie et, enfin, oeuvrer à la participation citoyenne.

« Il faut se libérer de l’idée que tel fait ou telle situation est inévitable. Si on se dit que la pauvreté est inévitable, alors on ne parviendra jamais à l’éradiquer. Si on est convaincu que les bidonvilles sont là pour rester, alors nous n’améliorerons jamais la vie de ses habitants, ni même le nombre » croit Petrella, optimiste malgré tout, « si, et seulement si, les changements prennent cours ».

Adriana Puiggros (Argentine), intervenant après Riccardo Petrella, résumait ainsi son intervention : « l’ErE est une illusion si on ne la situe pas dans le cadre d’une société injuste ».

Brigitte Blais, pour le réseau Planèt’ERE,
Organisation internationale des éducateurs à l’environnement de la francophonie

avec quelques petits compléments de Joëlle van den Berg , Réseau IDée

3 commentaires sur “Ricardo Petrella demande la fin de la marchandisation du monde”

  1. Ango Moussa dit :

    Bonjour Professeur
    Je suis nigérien et j’ai suivi votre cours sur vie et société à l’UCL en 2005 .
    Depuis ce temps convaincu de ce vous m’avez enseigné je m’efforce à me libérer cette globalisation injuste mais j’ai pas de force pour çà. Je tente à tout prix de rêver mais hélas j’ai pas de force . comment faire?

  2. Marie rose dit :

    je suis une femme du Burkina qui oeuvre dans le cadre de lutte contre la pauvrété et la protection des orphélins de mère et de mère. Votre artcile serait la bienvenue et il est vraiment positif. Je profite de cette occasion vous félicité et soutient à toutes actions menées pour les enfants. Nous souhaiterons votre aide les enfants orphélins du burkina. Vous pouvez répondre à cet mail

  3. DEMEZ Robin dit :

    Votre article est instructif. Mais en espérant que cette fin de la marchandisation du monde n’arrivera pas trop tard!

    Vive la révolution écologique, il est trop tard d’être pour être pessimiste!

    Robin.