Pub et espace public : une cohabitation contre nature !Clés pour comprendreFocus

28 septembre 2009

pub-bxl-en-mvtL’espace public s’affiche de plus en plus comme un support publicitaire géant à la merci de la voracité des annonceurs. Ceux-ci se partagent le gâteau au détriment de la qualité des espaces mais aussi de leurs usagers et de la qualité des services publics. La plate-forme Vigilance Action Pub ! vous livre ses inquiétudes sur le sujet mais aussi ses solutions pour résister à l’envahisseur.

Lutter contre la pub, un combat démocratique

La publicité dans l’espace public, plus que toute autre, s’impose à notre regard, force notre attention, s’infiltre dans nos consciences et revêt à cet égard un caractère particulièrement anti-démocratique. Les dernières inventions en la matière sont particulièrement intrusives : le système Bluetooth permet aux panneaux d’affichage de transférer directement aux passants proches des informations publicitaires sur leur GSM.
Les enfants sont les premières cibles de ces techniques intrusives. Or aucune réglementation en Belgique n’interdit la publicité aux abords des écoles. Réclamer des espaces sans pub, c’est revendiquer un espace public démocratique, ce qui devrait aller de soi. Cette revendication sonne pourtant comme un slogan révolutionnaire aux yeux des responsables politiques et des acteurs sociaux. Il suffit de consulter les programmes politiques pour constater que peu d’entre eux osent affronter ce serpent de la surconsommation. Quant au quatrième pouvoir, les médias, il se montre particulièrement frileux sur le sujet.

LA PUB EN CHIFFRES
- En 2003, 1 000 milliards de dollars ont été consacrés à la publicité dans le monde, soit 10 fois la somme nécessaire pour assurer l’enseignement, l’accès à l’eau potable, aux soins de santé pour tous.
- Chaque personne encaisse en moyenne 2500 messages publicitaires par jour.
- En 2008, en Belgique, les investissements publicitaires atteignaient 9 milliards d’euros, soit 900 euros par personne en moyenne, payés par le consommateur via ses achats.
- 10% des nouveaux véhicules de la STIB (service de transports publics à Bruxelles) sont entièrement recouverts de publicité.
- 100 % des Villos (réseau bruxellois de vélos mis en location en libre-service) sont couverts de publicité.

Un combat égalitaire…

Force est de constater que la publicité se niche bien plus fréquemment dans les quartiers populaires et déshérités, là où se trouve précisément un public vulnérable qui, quoique désargenté, résistera moins bien à l’appel des sirènes de la consommation superflue. Le lien est en effet établi entre la capacité des individus à se prémunir du caractère manipulateur des messages publicitaires et le niveau socio-économique et d’éducation. A Bruxelles, le Règlement régional d’urbanisme entérine cet état de fait en interdisant la publicité sur les axes prestigieux où vit une population aisée (par exemple les avenues de Tervuren ou Franklin Roosevelt). Si bien que les populations les moins à même de se prémunir de l’impact des messages commerciaux sont celles qui y sont le plus exposées.
Faire de l’ensemble de la Région une zone restreinte à la publicité est sans aucun doute une solution à cet effet pervers. On ajoutera que le financement de la publicité fonctionne en boucle, du consommateur au consommateur, puisque ses coûts sont répercutés sur le coût des produits, lésant encore une fois les personnes aux faibles revenus. Ce constat fait frémir lorsqu’on sait qu’en 2008, les investissements publicitaires totaux atteignaient environ 9 milliards d’euros en Belgique, un montant très proche du budget initial de la sécurité sociale en 2008 [1].

… et peu déficitaire

La publicité nous est trop souvent présentée comme une solution au sous-financement de la Région bruxelloise. Elle permettrait de financer les services publics déficitaires notamment les transports publics. Pourtant, les chiffres démentent cette assertion. Ainsi, pour la STIB (service de transports publics à Bruxelles), l’apport publicitaire ne représente que 0,3% de son budget. C’est donc accepter un déséquilibre flagrant entre un apport financier réduit au regard des inconvénients subis par les usagers cibles du matraquage et sujets à une pollution visuelle permanente.
Quant aux concessions passées par les pouvoirs publics avec les afficheurs pour la mise en place de mobiliers urbains, il s’agit bien plus souvent d’une opération lose-win au détriment des premiers.

Sus aux espaces publics privatisés

L’affichage publicitaire est révélateur de la façon dont une société considère son espace commun. Le territoire appartient à qui le prend et cette appropriation est légitimée par les contraintes de l’économie.
A Bruxelles, la publicité est aux mains de deux sociétés privées, JC Decaux et ClearChannel, qui se livrent une guerre sans merci, à coup de recours en justice, pour envahir l’espace public. A deux, elles se partagent 83% de la surface d’affichage déclarée à Bruxelles [2]. Leur cheval de Troie, le mobilier urbain : aujourd’hui, potelets, abribus, luminaires, bornes de tri sélectif et autres vélos en libre-service constituent la contrepartie pour les annonceurs de leur droit à disposer de nombreuses surfaces publicitaires à vendre au plus offrant. Et tant pis si les trottoirs sont envahis, les perspectives bouchées, les vitres des trams opacifiées, les usagers pris en otage… et l’espace public phagocyté par les firmes privées.

Le RRU, un début de réponse mais encore

Depuis 2007, l’adoption du nouveau Règlement régional d’urbanisme a permis à la Région bruxelloise de se doter d’une réglementation sur la publicité [3]. Ce dernier découpe l’espace public en zones interdites à la publicité, en zones restreintes, en zones générales et même en zones élargies (dans ces dernières un seul site peut accueillir jusqu’à 80 m2 d’affichage publicitaire !). Ce règlement, pourtant peu avant-gardiste, et tout bien regardé plutôt laxiste au regard de ce qui se fait à l’étranger, est largement piétiné par les autorités et les annonceurs [4]. De nombreuses sucettes, mupis et autres supports publicitaires trônent dans l’espace public en violant en toute indécence le règlement. C’est le cas des nombreux dispositifs autorisés pour la mise en place du Villo (réseau bruxellois de vélos mis en location en libre-service). Sans compter les permis non renouvelés et les taxes non perçues.

Que propose la VAP ! ?

La VAP ! (plate-forme Vigilance Action Pub !) propose de diminuer progressivement la présence de la publicité chez les opérateurs de transports publics et que la Région confie la gestion des vélos en libre-service à des opérateurs de transports, quitte à en assurer une partie du financement par la taxe sur la publicité. Il s’agit en outre de procéder à un cadastre de la publicité, inexistant actuellement, acte fondateur d’un meilleur contrôle de la colonisation publicitaire.
Dans l’attente de ce cadastre, il semble pertinent de décréter un moratoire sur l’affichage publicitaire et de retirer au plus vite tous les dispositifs illégaux. Enfin, l’interdiction de la publicité à proximité des écoles est le minimum que l’on puisse attendre d’une société soucieuse de ne pas réduire ses citoyens à de purs consommateurs. Quant au manque à gagner résultant de ces diverses mesures, il pourrait être compensé par la mise en place d’un péage urbain et la refiscalisation des investissements publicitaires (à l’heure actuelle, ils sont déductibles à 100%).
Arrêtons de contaminer notre espace public et laissons-le à nouveau respirer pour le bien de tous ses usagers !

Claire Scohier et Christine Steinbach pour la VAP !
Article (légèrement raccourci ici) publié dans Bruxelles en mouvement (n°222, juin 2009), le périodique d’Inter-Environnement Bruxelles (IEB)

[1] www.begroting.be
[2] En 2005, ces sociétés payaient respectivement 68 577 EUR et 81 401 EUR des 181 063 EUR de taxes versées par les sociétés
d’affichage.
[3] Voir à ce sujet le dossier du BEM n°189 du 14 juin 2007 : « La publicité dans l’espace public : des concessions à la réglementation ».
[4] Le cas le plus flagrant est sans doute celui de la centaine de dispositifs publicitaires illégaux de la société JC Decaux que la Ville de
Bruxelles accepte dans son espace public sans le prélèvement de la moindre taxe. Manque à gagner : un million d’euros.

En savoir plus :

  • Plate-forme associative de Vigilance et d’Action sur la Publicité dans l’espace public (VAP!) : www.vigilanceactionpub.org (ce site ne semble plus actif pour l’instant…)
  • Sur le site de Respire asbl : www.respire-asbl.be
  • Sur le site d’Inter Environnement Bruxelles : www.ieb.be

3 commentaires sur “Pub et espace public : une cohabitation contre nature !”

  1. [...] compter que les panneaux publicitaires classiques envahissent l'espace public et qu'ils ne sont que très peu utiles, générant une pollution visuelle conséquente en ville [...]