Crèches parentales : plus de liens autour des bambinsClés pour comprendreGestes pratiques

3 octobre 2011

A l’heure où les crèches communales affichent complet – au point que certains enfants y sont inscrits avant même d’avoir vu la lumière du jour ! – et où, parallèlement, des crèches privées sont financièrement inaccessibles pour une grande partie de la population, des citoyens s’organisent pour créer des alternatives dont la portée dépasse finalement – et de loin ! – l’objectif premier de la garde des enfants…

Car, en plus de l’accueil d’enfants, ces initiatives génèrent un substrat fertile où se développe toute une famille de liens entre individus, avec un accroissement fulgurant de la résilience du groupe. Les naissances d’enfants induiraient-elles la naissance de la transition ? Dans certains cas, oui, oui, cela en a bien l’air…

Un bref historique

La pratique est déjà coutumière en France où la première crèche parentale a vu le jour en 1968 ; on en compte aujourd’hui plus de deux cent cinquante. En Belgique, c’est à Louvain-la-Neuve que naît la première expérience, en février 2004, avec le soutien de l’Office National de l’Enfance et du Ministre Jean-Marc Nollet. Il s’agit d’un projet pilote qui a aujourd’hui commencé à essaimer puisqu’on retrouve des structures similaires à Ottignies, à Saint-Gilles, à Jette et à Anderlecht – et peut-être ailleurs encore ? On trouve, à l’origine de chacun de ces projets, le constat que certaines structures d’accueil restent fermées à des catégories de personnes. Il s’agit donc de « créer une réponse au constat qu’une large frange de la population se trouve exclue des crèches et autres milieux d’accueil : parents sans travail cherchant à suivre une formation, parents étudiants aux ressources limitées… Plus largement, face au problème du manque de places en milieux d’accueil, la crèche se veut une piste de solution basée sur l’ouverture et le décloisonnement (1) ». Mais les motivations se sont diversifiées et, aujourd’hui, la participation des parents – et donc l’ouverture à la culture et aux valeurs de chacun – est le cœur de ces structures.

Crèche parentale, késako ?

Une crèche parentale – ou plutôt, une crèche à gestion parentale – est une structure d’accueil dédiée à la petite enfance dans laquelle les parents sont fortement impliqués. Il s’agit d’un mode de garde d’enfants – de trois mois à quatre ans, en général – au même titre que le sont les crèches collectives « habituelles ». La particularité d’une crèche parentale tient au simple fait que les parents fondent puis gèrent, eux-mêmes, administrativement la structure ; ils effectuent des heures de permanence afin d’épauler l’équipe pédagogique et de se charger de quelques tâches matérielles quotidiennes. Les crèches parentales emploient toujours des professionnels de la petite enfance, notamment un ou une responsable technique ou directeur, qui se chargent de l’accueil de l’enfant à proprement parler, ainsi que du contenu et de l’application du projet pédagogique. L’ONE a développé un cadre précis pour ce type de structure qui doivent offrir quatorze places au minimum, prévoir une participation financière parentale proportionnelle aux revenus de chaque ménage, une ouverture quotidienne minimale de la crèche pendant dix heures, du lundi au vendredi et ce, deux cent vingt jours par an. Le pouvoir organisateur peut être un pouvoir public – un CPAS ou une commune, par exemple – ou une asbl. Le personnel minimal requis est de 3,5 équivalents temps plein (ETP) dont deux sont des professionnels ; un maximum de 1,5 ETP est assuré par des parents. Ceux-ci doivent, par ailleurs, attester d’une formation de base reconnue, ou la suivre en accéléré. En Flandre, Kind & Gezin contrôle mais ne subsidie pas cet accueil appelé « mini crèches ». Les pouvoirs publics, comme des particuliers indépendants, peuvent lancer ce type de structure à partir de huit enfants. Kind & Gezin ne réclame pas non plus de qualifications particulières aux parents et leur participation financière est laissée à l’appréciation du pouvoir organisateur. Cette formule est actuellement vécue à la mini-crèche Saint-Gilloise « Ketje » qui accueille une quinzaine d’enfants de zéro à trois ans, depuis le 1er juin 2006.

Et dans la pratique ?

Au départ, des familles se regroupent pour créer ensemble la crèche de leurs rêves. Une structure juridique légère est mise sur pied afin d’engager un professionnel de la garde d’enfants. Le fonctionnement de la crèche intègre pleinement les parents qui participent à sa gestion – assemblée générale, conseil d’administration… –, mais surtout à son quotidien. Les parents partagent ainsi leur expérience et leurs questions avec d’autres parents et avec des professionnels ; ils s’investissent dans un projet associatif local. Les divergences de vues sur l’alimentation, les soins ou les activités peuvent conduire à la tenue de longues réunions d’échanges et de formation de consensus. Les enfants et les parents sont toujours encadrés par des professionnels. La crèche est logiquement tenue de respecter les normes établies par l’ONE, un contrôle régulier garantit d’ailleurs aux parents le respect de ces normes. En ce qui concerne l’hygiène alimentaire, la crèche est évidemment contrôlée par l’AFSCA. Un(e) diététicien(ne) de l’ONE peut également apporter ses conseils pour établir les menus.
Le temps investi par les parents permet une diminution moyenne de 10% des coûts totaux. Mais, en ce qui concerne les subsides, nous n’avons pas connaissance pas de sources de financements pour ce type de structures en Belgique. En France, par contre, la Caisse d’Allocations Familiales contribue aux frais des crèches parentales, au même titre que les crèches communales.

L’implication parentale

L’accompagnement des enfants n’est pas la seule tâche des parents puisqu’ils aident en cuisine, à la gestion administrative, au nettoyage, aux aménagements et à la garde, une fois par semaine. Les parents assurent, au minimum, une permanence régulière de cinq heures par semaine où ils s’occupent de tous les enfants en soutien des agents puériculteurs. Ces permanences constituent des moments d’échanges et d’apprentissages importants, différents de ce qui se passe en crèche traditionnelle. Cet interface permet une interpénétration entre le milieu d’accueil et le milieu fa-milial, traditionnellement cloisonnés. Il offre également un adoucissement de la rupture quoti-dienne entre enfants et parents, tout en développant le contact avec d’autres façons de faire, pour l’enrichissement de tous.
La relation entre parents et professionnels est fondamentale dans une crèche parentale. Les parents – qui sont aussi les employeurs – deviennent les partenaires des professionnels engagés. Une relation de confiance est recherchée, à l’écoute des points de vue de chacun. Ce partenariat repose sur l’idée d’un partage autour d’un projet commun : chacun y a sa place et a droit au respect dans son domaine de compétences. Ce sont les professionnels qui sont responsables de la qualité de l’accueil au quotidien, de la régularité dans le rythme et dans l’ambiance quotidienne. Par leur formation et leur expérience, ils assurent une qualité de service tout en informant les parents et s’adaptant aux besoins et aux suggestions de ceux-ci. Inversement, les parents peuvent apporter des connaissances à l’équipe. Des réunions parents-professionnels sont régulièrement planifiées pour permettre la concertation, la réflexion et le partage sur le vécu de chacun.
L’équipe, en général, est constituée de puériculteurs(trices) et de personnel d’entretien. A cette équipe s’ajoutent donc les parents qui encadrent les enfants ou effectuent des tâches administratives, logistiques, la cuisine, le ménage, etc. Des journées thématiques de formation sont organisées avec le personnel encadrant pour développer les champs de connaissance du développement de l’enfant.

La fonction des crèches dans la transition

Au-delà de la fonction d’accueil d’enfants, les crèches parentales sont le siège de nombreuses autres réflexions et actions collectives. Prenons l’exemple de l’alimentation : penser ensemble à la meilleure alimentation possible des bambins peut conduire le groupe à mettre sur pied un Groupement d’Achats Alimentaire – GAC, GAS, GASAP – qui assure un approvisionnement régulier en produits bio et locaux pour l’ensemble des familles et pour la cuisine de la crèche… Des recettes savoureuses et saines peuvent être développées avec – pourquoi pas ? – un petit potager, et des poules pour le plus grand bonheur des bambins… Ensuite, puisqu’un collectif est formé, les opportunités de développer plus de liens entre les personnes se présentent quasi automatiquement. Co-voiturage, vacances communes, excursions, activités de week-end sont autant d’initiatives qu’on peut voir se développer au départ de ces crèches re-liantes. Pour certains parents, la crèche constitue donc une occasion de se sortir de l’isolement social ou culturel en rencontrant d’autres parents et en étant impliqués positivement dans un projet qui met en valeur leur participation. Une crèche parentale, c’est une toile de liens entre individus…
Tout rose, la crèche parentale ? Certainement pas. La faible implication de certains parents peut réellement poser problème car elle risque, non seulement de réduire l’efficacité du service, mais aussi démotiver d’autres participants. La pratique montre que ces free-riders ne restent heureusement pas très longtemps dans les structures. De plus, en Belgique, le manque de subsides constitue certainement le premier frein au développement de tels projets… A bon entendeur…

François de Gaultier
Article publié dans la revue Valériane (n°91, septembre-octobre 2011) de Nature & Progrès

Photo: F. de Gaultier

(1) Voir le site de la crèche de Louvain-la-Neuve : www.crecheparentalelln.be

En savoir plus :

  • Réseau des Initiatives Enfants-Parents-Professionnels (RIEPP) : www.riepp.be
  • Association des Collectifs Enfants Parents Professionnels : www.acepp.asso.fr

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