Retour sur le 1er Congrès interdisciplinaire sur le développement durableClés pour comprendre

19 février 2013

« Quelle transition pour nos sociétés ? » Du 31 janvier au 1er février, c’est la question à laquelle ont tenté de répondre universitaires, représentants de la société civile et acteurs de terrain, lors du 1er Congrès Interdisciplinaire du Développement Durable, organisé à Namur. Focus sur quelques idées fortes qui ont retenu notre attention et qui enrichissent notre réflexion en ErE.

Une fois n’est pas coutume : académiciens et non-académiciens ont croisé leur expertise sur le thème de la « transition de nos sociétés », des moteurs et des acteurs de cette transition et de son articulation avec le « développement durable ». Pendant deux jours, cinquante-deux contributions de chercheurs provenant de différentes disciplines (économie, sociologie, sciences dures, etc.) se sont articulées autour de six thèmes principaux : l’alimentation et l’agriculture (voir encadré), les biens communs mondiaux, le logement, les modèles de transition, le rôle des pouvoirs publics et celui des acteurs non étatiques.

L’objectif ? Dialoguer autour des pistes innovantes qui permettraient de dépasser les contradictions de la crise actuelle.

Se donner des représentations positives

En ouverture du Congrès, Sunita Narain, directrice du Centre pour la science et l’environnement à New Delhi, a mis en évident une idée forte de ces deux jours, à savoir le décloisonnement des savoirs. « Pour prendre soin de l’avenir, nous devons avoir l’humilité de nous tourner vers le savoir profane du peuple, y compris celui des pays pauvres, le savoir des riches, de ceux qui détiennent les technologies de pointe, mais nous devons aussi apprendre des arts, des sciences et de la nature », a-t-elle déclaré. Qu’elle soit institutionnelle, politique ou profane : l’expertise de chacun est indispensable pour aider nos sociétés à accomplir la transition.

Au cours d’ateliers thématiques, de séances plénières et d’allocutions diverses, les universitaires et les acteurs de terrain ont mis en évidence la nécessité d’une lecture transversale et interdisciplinaire pour répondre de façon innovante au défi de la transition. Transition vers une agriculture biologique, mobilisation citoyenne vers une société post carbone, d’adaptation des forêts wallonnes au changement climatique… Des contributions de chercheurs auxquels étaient associés les acteurs de terrain en tant que « discutants ».

Force était aussi de constater que les contributions étaient tournées sur la présentation de solutions, plus que sur les constats alarmistes. « C’est l’une des choses à poursuivre en Education relative à l’Environnement : raconter le futur, se donner ensemble des représentations positives et désirables pour l’avenir, et non s’en tenir à dresser le portrait d’un monde chaotique », pense Joëlle van de Berg, directrice du Réseau IDée.

Une transition « juste » et « démocratique »

Autre idée forte du Congrès, celle d’une transition « juste ». Pour Philippe Pochet, directeur général de l’Institut syndicat européen, la justice sociale doit être à la base de la réflexion. « D’où l’enjeu complexe pour les syndicats qui veulent bien parler de transition, mais d’une « transition juste » » Qu’entendent par là les syndicats ? Il revient aussi aux acteurs de l’ErE  de se poser cette question et de tenter d’y répondre.

A cette interrogation, Pierre Radanne, expert des politiques de lutte contre le changement climatique, répond par un plaidoyer pour la démocratie. Il met en garde : « l’urgence écologique peut nous conduire vers un État totalitaire (…) Nous ne pouvons pas changer de civilisation avant d’envisager un transfert de satisfaction pour chaque personne. »

De plus, il serait erroné de mettre les mêmes enjeux et « le même système de  valeurs » derrière chaque pilier du développement durable, a rappelé Olivier De Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation. « L’économie est un moyen, la justice sociale est la condition du développement durable et l’environnement est une limite externe. »

Luttes sociales et sociétales, moteur de la transition ?

Quant au rôle du citoyen, il a notamment été mis en évidence par Marie Cors (IEW) qui a rappelé que ce dernier joue un rôle fondamental pour aider nos sociétés à accomplir cette transition. Des outils sont à leur disposition et leur permettent de participer et de s’impliquer dans ce processus, a-t-elle expliqué.

Démocratie, passage d’une culture de la compétition à une culture de la coopération, biens publics collectifs, etc. Oui, mais ce n’est pas suffisant, d’après Philippe Pochet qui revient sur le rôle fondamental et historique des luttes sociales et sociétales comme moteur de changement. « On a besoin d’intellectuels qui construisent un discours, mais on a aussi besoin d’acteurs qui luttent et qui ne font pas uniquement des consensus. »

En conclusion, ce Congrès aura permis d’initier un dialogue entre académiciens et acteurs engagés sur le terrain et dans les administrations. Il s’agit maintenant de poursuivre la réflexion et ces croisements d’expertises, afin qu’un tel Congrès ne tombe pas au rang… de « grandes messes ».

Delphine Denoiseux

FOCUS sur l’atelier « Alimentation, agriculture et élevage »

Salle « Plein ciel », à Namur, le constat est unanime : « le modèle agricole [1] actuel n’est pas durable » et ne répond pas aux défis actuels, tels que la sécurité alimentaire la perte de biodiversité ou l’arrivée inéluctable des OGM, ramenée au devant de la scène par le très récent jugement du procès Wetteren [2]. Quelles pistes alors pour un autre modèle agricole ?

L’agroécologie [3] a largement été appuyée par les acteurs de terrain et plusieurs chercheurs présents lors du Congrès. Pour Alain Peeters, ingénieur agronome, elle doit permettre de concevoir paysages, « de façon à maximiser les synergies, via des tourbières, des corridors de dispersion pour la faune et la flore ». Hermann Pirmez, agriculteur et président de BioForum a expliqué que ces synergies pouvaient non seulement être mise en place entre les végétaux qui composent et garantissent la vie d’un sol, mais aussi entre les différents acteurs qui gravitent autour d’une exploitation agricole. L’agroécologie peut également être abordée sous un angle économique, a signalé Nicolas De Doncker, professeur et chercheur à Namur qui propose d’intégrer la notion de « services écosystémiques » (qui permet de quantifier les « bénéfices » apportés par un écosystème) à l’agroécologie. Autres pistes : les pratiques traditionnelles de non labourage cernées par Audrey Vankeerberghen dans son travail sur l’agriculture de conservation ; une agriculture sans pétrole (approche explicitée par Pablo Servigne) ; … Bref, une hétérogénéité d’approches et de pistes concrètes et innovantes pour s’engager vers un autre modèle d’agriculture ! (D.D.)

Plus d’infos sur l’agroécologie en Wallonie, lisez l’article  de la Fédération Inter-Environnement Wallonie « L’agroécologie, une piste en Wallonie ! »


[1] L’agriculture conventionnelle recourt à une mécanisation poussée, aux pesticides et engrais chimiques
[2] Suite au procès Wetteren, onze militants anti-OGM ont sévèrement été condamnés par le tribunal. Ils ont annoncé qu’ils feraient appel de cette décision. Rappel des faits : en 2011, l’université de Gand et la firme BASF ont obtenu l’autorisation pour un essai en champ de pommes de terre OGM. Environ quatre cents militants ont remplacé des pommes de terre OGM du champ d’essai de Wetteren par des variétés conventionnelles et biologiques reconnues pour leur résistance au mildiou. Onze d’entre eux ont été arrêtés et jugés à des peines de réclusion.
[3] Olivier De Schutter résume l’agroecologie par « la recherche des moyens d’améliorer les performances environnementales et techniques des systèmes agricoles en imitant les processus naturels, créant ainsi des interactions et synergies biologiques bénéfiques entre les composantes de l’agroécosystème ».

PLUS D’INFOS sur le Congrès Interdisciplinaire du Développement Durable

- Le site officiel du Congrèshttp://www.congrestransitiondurable.org/

- Des articles sur le Congrès :

Imagine demain le monde : « Quelle transition pour nos sociétés? »

La Libre Belgique : « Débloquer une réflexion durable »

– D’autres articles sur le « développement durable » sur Monde qui bouge :

« Pour une éducation globale »

« L’odyssée du développement durable »

« Les paradoxes du développement durable »

Illustrations et photos : Congrès Interdisciplinaire du Développement Durable ©

Légende des photos : Photo 1 – Sunita Narain & Photo 2 – Pierre Radanne

Un commentaire sur “Retour sur le 1er Congrès interdisciplinaire sur le développement durable”

  1. [...] du 1er Congrès interdisciplinaire du Développement durable: écho sur «Monde qui bouge», «Quelle transition pour nos sociétés?» et [...]