L’animal et le spectateur

17 août 2015

Le cinéma livre des produits culturels qui sont autant d’occasions de saisir et d’interroger les représentations individuelles ou collectives d’une époque. Sur la question animale, nombreuses sont les occasions offertes au spectateur d’interroger le rapport à l’animal mais aussi la place de l’animal dans la société.

La question se pose avec évidence dans les films qui dénoncent le sort des animaux destinés à être mangés : non-respect des besoins biologiques et sociaux, promiscuité, souffrance, etc., Le gavage en question et Ces animaux que tu manges illustrent ces problèmes. Bovines ou la vraie vie des vaches invite à considérer la vache avant tout comme un être vivant, sensible, pensant, souffrant, un animal « comme les autres ». Quel rapport particulier entretenons-nous avec l’animal dont nous nous nourrissons par rapport aux animaux de compagnie ou sauvages ? LoveMEATender, après avoir listé les problèmes posés à l’environnement par l’actuelle production de viande, évoque ce lien particulier à l’animal d’élevage.

Article réalisé dans le cadre du dossier « L’animal pour éduquer ? » de Symbioses n°107, été 2015, magazine d’éducation à l’environnement.

La main au-dessus du niveau du cœur met quant à lui cette question en perspective de celle du travail industriel, de la souffrance imposée au corps et à l’esprit du travailleur par le travail à la chaîne. Le sort de l’animal se trouve ici lié à celui de l’humain pour critiquer ce qui devient un monde-machine à produire.

Autre contexte où la question est évidente : quand l’animal est sujet d’expérimentation. Unter Menschen raconte le parcours émouvant de deux soigneuses ayant accompagné des chimpanzés depuis le laboratoire jusqu’à un centre où ils tentent réapprendre la vie sociale de leur espèce, après 30 ans d’expérimentation. L’histoire particulière de ces individus appelle des questions plus générales : Quels droits accordons-nous aux animaux ? Quels devoirs avons-nous envers eux ?

La question animale interroge aussi l’articulation entre les notions d’individu et d’espèce. Au sein des parcs zoologiques et d’attraction par exemple au sein desquels, de l’aveu collectif, le bien être des individus, intimement lié à la capacité d’exprimer des comportements naturels, est difficile à préserver (Blackfish sur les parcs marins). La notion d’ambassadeur d’espèce menacée prend alors souvent le pas dans l’argumentaire mais Zoos, l’enfer du décor replace le zoo dans la continuité d’un passé colonialiste et ne reconnait que peu de vertus aux zoos même modernes, ceux-ci étant toujours soumis à la contrainte de la visibilité des animaux et de certains effets de mise en scène qui promeuvent ou tout du moins s’inscrivent dans un usage « spectacle » plus ou moins assumé de l’animal. Point de vue antispéciste encore développé dans Earthlings, où la voix de Joachin Phoenix nous amène à passer en revue le sort réservé à l’animal exploité.

Pour s’interroger plus loin encore, il faut ouvrir la question de la place de l’animalité et plus largement du sauvage, de leur lien avec nous et de la place que nous leur accordons. Quelques expériences de présence incongrue de la nature dans la société humaine permettent de nous interroger avec Juste dans la ville, qui explore ma vie d’un espace de nature littéralement ceinturé par une zone d’habitation et Bruxelles sauvage qui part à la rencontre de la faune sauvage de Bruxelles sur le ton de l’enquête. Les altans est un film tourné sur le tournage d’un documentaire animalier sur les animaux de la ferme parsemé de réflexions sur le rapport homme/animal. Bestiaire raconte quant à lui l’histoire de ce rapport d’altérité dans une perspective anthropologique et sociologique passionnante tandis que Beauté animale explore les représentations esthétiques et philosophiques de l’animal à travers les œuvres d’artistes au cours de l’histoire moderne.

L’humain semble éprouver un puissant besoin de proximité avec cette nature sauvage qu’il tient tout de même à distance par une série de dispositifs mentaux et physiques : concept d’humanité, création d’espaces naturels, etc. L’animal se constitue alors en lien vers notre « animalité ». Les films de fiction seraient également nombreux à pouvoir être regardés en cherchant des exemples de ce lien…

Retrouvez tous les films cités chez PointCulture (http://pointculture.be) où ils sont disponibles en prêt.

Frédérique Müller
Responsable de la collection Education à l’Environnement – PointCulture
frederique.muller@pointculture.be – http://educationenvironnement.wordpress.com
Mai 2015

Un commentaire sur “L’animal et le spectateur”

  1. Vincent dit :

    Merci belle sélection de films à laquelle j’ajouterai l’indispensable Cowspiracy, édifiant et capital

    https://www.youtube.com/watch?t=15&v=v3ZLJzlTeH4