Des écolos imparfaitsClés pour comprendreFocusReportages

6 janvier 2020
Vous mangez bio et agissez éco-responsablement… Vous voilà tout à coup devenu « écolo-bobo ». Des préjugés, il y en a pour tous les goûts et les langues se délient très rapidement. Paradoxalement, une transition écologique ne s’opère pas aussi facilement que les étiquettes que l’on colle. Discussion autour des préjugés avec des adeptes du Zéro Déchet !

L’univers de l’écologie peut être sujet au stress, au déni, aux incompréhensions mais également sujet aux préjugés et aux idées reçues. Primo, quels sont ces préjugés ?

Le préjugé qui revient assez souvent est celui qui associe richesse et écologie. Plus précisément, il vise les personnes qui s’attèlent à un mode de vie plus responsable comme faisant partie d’un milieu aisé alors que ce n’est pas forcément le cas. Ils sont notamment étiquetés « écolo-bobos » ou « bourgeois ». Mais pour commencer, on pourrait se poser la question de savoir ce qu’est un « bobo » ?

« Plus on est riche, plus on pollue »

Pour le dictionnaire Larousse[1], un bobo est « une personne plutôt jeune, aisée et cultivée, affichant son anticonformisme », abréviation de bourgeois bohème. Définition beaucoup trop simplifiée car son usage est multiple et varié, et bien souvent à connotation négative. En attestent nombreux livres et articles telle que l’analyse de sociologues français dans « Les bobos n’existent pas ».[1] Plus une insulte qu’un compliment, le terme « écolo-bobo » est utilisé à tout-va. Que ce soit pour se dédouaner ou pointer une inégalité, il englobe tout le monde, y compris les personnes investies et désireuses de changements.

Ce terme n’est pas justifié mais il est important de ne pas faire l’impasse sur une problématique réelle : les pollutions sont générées par les personnes les plus riches, qui ont les moyens de consommer. Et les personnes les plus pauvres sont celles qui souffrent le plus des pollutions et nuisances environnementales. Dès lors, les riches ne devraient-ils pas être les premiers à réduire leur empreinte environnementale ?

Dépenses utiles ou futiles ?

Lorsqu’il est question du mode de vie Zéro Déchet, ou plus généralement, lors d’une transition écologique et responsable, une question se pose : est-ce que toutes nos économies vont y passer ? L’asbl Alma Sana, spécialisée dans les petits gestes du quotidien à travers des ateliers Zéro Déchet, essaye de casser les préjugés à ce sujet : « Il y a eu des ateliers avec des publics qui n’en revenaient pas qu’une lessive faite soi-même coûtait quatre fois moins cher que ce qui peut être acheté en magasin. »

Elle poursuit : « Quelque part, c’est au travers des activités, des actions de sensibilisation, que l’on peut susciter l’intérêt et casser un peu ce préjugé du « ça coûte cher ». L’air de rien, le ZD, lorsqu’on fait attention à ce que l’on consomme et qu’on essaye de faire autrement, on se rend vite compte qu’on peut augmenter notre budget, jusqu’à parfois 30%. » Naturellement, le coût des dépenses varie également en fonction de la quantité achetée dépendant de chaque famille, de sa santé, en somme, des besoins personnels de chacun.

Il est vrai, un grand nombre d’initiatives, d’entreprises innovantes via leurs boutiques et e-shops ont vu le jour suite au mouvement Zéro Déchet et les coûts des produits et accessoires peuvent vite grimper. Ceci dit, il n’est pas exclu de réaliser soi-même une quantité de choses. Si, du moins, on dispose d’un peu de temps devant soi et d’un accès à l’information.

Par ailleurs, le Zéro Déchet, en théorie, implique de simplifier sa consommation, de maximiser ses objets, de réutiliser, récupérer, user de la 2ème main, etc. A noter que, bien souvent, des personnes en situation de précarité le font déjà, car elles n’ont tout simplement pas le choix… Il est donc parfois maladroit et inapproprié de demander à des personnes qui consomment déjà très peu, par la force des choses, d’encore diminuer leurs consommations.

Quels accès ?

Question alimentation et ZD, un second point essentiel à souligner lors d’une volonté de s’approvisionner en vrac ou consommer bio est la distance des commerces qui en proposent. Dépendant des régions, il n’est pas toujours facile de pouvoir consommer de façon responsable. S’y rendre demande parfois d’avoir un véhicule, ce qui n’est pas le cas de tout le monde.

D’une manière générale, on peut donc remarquer un manque de visibilité au niveau de l’endroit où on se situe et une contrainte en fonction du milieu social. Encore une fois, Alma Sana et bien d’autres associations au service du public y travaillent : « Honnêtement, on essaye de travailler sur plusieurs projets avec des écoles différentes et un public qui varie. On crée aussi des partenariats avec des maisons de femmes ou des CPAS. C’est très intéressant autant pour ce public-là que pour les autres. Les femmes en situation de précarité sont aussi demandeuses de solutions et finalement cela leur prouve que c’est faisable, avec un moindre budget. »

Des écolos imparfaits

La perfection n’existe pas et encore moins concernant le Zéro Déchet. Aucune pression ne doit être mise lors de son cheminement. Agir sur tous les fronts n’est pas toujours possible, mais agir selon ses capacités l’est. « Il y a toujours moyen chez soi de trouver un endroit où réduire, même si on ne peut pas le faire partout. Il y a beaucoup de possibilités lors d’une transition écologique » nous partage Aude Lepège, bénévole chez Zero Waste Belgium. Et puis, vive les écolos imparfaits.

Safia Choujaâ

[1] https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/bobo/10909938

[1] https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-02065406

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