La Survie de l’espèce

9 avril 2013

Avec cynisme et humour, cette BD décortique un système économique décadant où règne la loi du plus fort : le Capital. Les auteurs reviennent sur l’invention du travail, le partage des richesses, le management, la Bourse ou encore l’ultralibéralisme. Essai dessiné. Percutant, drôle, touchant.

Tout commence avec le procès de monsieur x, trader et mercenaire zélé de la banque d’investissement Gloldman Sax (ça vous dit quelque chose?), accusé d’avoir créé un produit financier à partir des créances les plus pourries du marché, qu’il a revendu sciemment à ses clients avant de parier sur l’effondrement de cette « camelote ». Pourquoi? Parce que ces clients étaient faibles, et que le système dit M.A.F. (Mort Aux Faibles)!

Bien sûr, cela nous rappelle quelque chose… Comment a-t-on bien pu en arriver là? C’est le postulat de départ des auteurs : comprendre. Pour tenter de décortiquer le système économique et ses failles, ils mettent en scène des personnages caricaturés, à la symbolique simple : le Salarié, un petit lego en plastique ; le Patron, un général d’armée ; et le Capital, un financier à haut de forme et gros cigare.

A partir de ces personnages, les auteurs pointent du doigt un système où le Capital tire toutes les ficelles, secondé par le Patron. Ensemble, ils sont près à tout pour amasser plus d’argent (« L’éthique? La morale? Tu crois vraiment à ces âneries? »). Le Capital mise sur des chevaux de course (les entreprises) montés par des Patrons. Ces deux-là élaborent le « management », qui permet de virer la secrétaire Judith et de la remplacer par Trombone (mais oui, vous savez, celui qui apparaît avec son sourire malicieux quand vous êtes perdu devant votre écran d’ordi).

Intervient aussi le fils du Capital que l’on façonne pour répondre à sa destinée (faire fluctuer encore et toujours la richesse familiale) et qui dans toute sa naïveté révèle des vérités qui mettent mal à l’aise (« Daddy, c’est vous qui l’avez dit : le capital, c’est l’argent dont on n’a pas un besoin immédiat (…) telles que sont les choses, l’argent manque de plus en plus là où il est nécessaire. C’est une machine qui ne marche pas en somme… »). Sans oublier le journaliste gauchisant qui vient semer la zizanie avec ses questions embarrassantes.

Cet essai dessiné tente de faire comprendre un système apparaissant trop souvent comme nébuleux. Il invite à la réflexion et fait sourire à maintes reprises. Pour celles et ceux qui ne se laissent pas facilement tenter par l’outil BD (surtout qu’ici l’usage de la couleur est volontairement limité) ou par des traits caricaturés, ne fuyez pas trop vite : vous serez vite happés ! De même, pour les bédéphiles, en voici une qui vous apprendra bien des choses avec délectation. Bien entendu, il s’agit là d’un ouvrage clairement engagé, dénonçant l’ultralibéralisme, donc avec un parti pris évident. Sans détours… Ca fait du bien!

Céline Teret

« La Survie de l’espèce », Paul Jorion et Gregory Malkès, Futuropolis et Arte Editions, 2012.

Le commentaires sont fermés.