Santé : à combien ça chiffre ?Clés pour comprendre

1 mars 2005

La santé a ses démons : malnutrition à gauche, obésité à droite, maladies contagieuses, cancers et dépression… Mais moi, qu’est-ce que j’ai docteur ? Et mes voisins du Sud, ils souffrent de quoi ? Bénéficions-nous tous des faveurs d’Hippocrate ? Est-on si bien en Belgique ? Dans son Rapport sur la Santé dans le Monde 2002, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a mesuré, calculé et rapporté tout sur tout. Résumé de ce diagnostic chiffré.

Commençons par un point positif : grâce à des progrès sanitaires indéniables, l’espérance de vie moyenne a augmenté dans toutes les parties du monde durant la dernière décennie. Aujourd’hui, seuls 19% des habitants des pays en développement ont une espérance de vie inférieur à 60 ans, contre le double il y a 10 ans. Sans aucun doute nous progressons : nous sommes mieux protégés contre des maladies autrefois mortelles, contre les maux transmis par l’eau ou l’alimentation, contre les accidents domestiques et autres.
Mais ne nous réjouissons pas trop vite : tout cela est de plus en plus inégal à l’échelle planétaire. Ainsi, si vous naissez et vivez dans l’un des 49 pays les moins avancés et que vous avez la chance de ne pas être dans la tranche des 20% d’enfants qui mourront avant de souffler leurs 5 bougies (du fait principalement de maladies infectieuses liées à l’environnement), vous pourrez alors « espérer » mourir en moyenne avant d’avoir atteint vos 50 ans, contre 75,2 ans en Belgique et dans les pays développés.

La faim justifie les moyens

Même si la malnutrition a diminué de moitié ces trente dernières années, une seule comparaison chiffrée suffit pour vous nouer l’estomac. Elle illustre le poids du déséquilibre entre nantis et déshérités, les premiers souffrant d’avoir fait le mauvais choix (d’alimentation, d’activités), les autres de ne tout simplement pas l’avoir : dans les pays pauvres, 170 millions d’enfants ont un poids corporel insuffisant et trois millions d’entre eux pourraient en mourir cette année ; parallèlement, plus d’un milliard d’adultes ont un excès pondéral parmi lesquels 1/3 sont cliniquement obèses. Les conséquences sont lourdes : un demi-million de personnes, en Amérique du Nord et en Europe occidentale principalement, mourront cette année de maladies liées à cette obésité.
Le drame est que ces maladies liées à nos habitudes alimentaires universelles et à la consommation accrue d’aliments industriels gras, salés ou sucrés se répandent au Sud, s’ajoutant aux maladies infectieuses qui y sévissent encore. C’est là tout le paradoxe : dans les taudis des mégalopoles d’aujourd’hui, les maladies dues à une nourriture malsaine coexistent avec une sous-alimentation. Ces maladies non-contagieuses sont déjà responsables de 60% des décès dans le monde.

Maladies transmissibles

Six maladies contagieuses continuent de faire des ravages : le sida, le paludisme, la tuberculose, la pneumonie, les maladies diarrhéiques et la rougeole. Avec les maladies parasitaires, elles sont à l’origine de 14 millions de décès par an, soit près de 25% du nombre total enregistré dans le monde. Bon nombre de ces morts pourraient être évités en utilisant des antibiotiques bon marché, comme les médicaments génériques, et en améliorant l’accès aux soins de santé primaire.

Environnement malsain

Changements climatiques, couche d’ozone mal en point, chute de la biodiversité, dégradations des écosystèmes, pollutions à tour de bras… l’environnement pèse lourd sur notre bien-être. Si c’est vrai chez nous, ce l’est d’autant plus au Sud. Selon l’OMS, dans les pays en développement, l’utilisation de biocombustibles et de charbon chargés d’impuretés pour cuisiner et chauffer les logements exposent 2 milliards de personnes (1/3 des habitants de la planète), principalement des femmes, à une pollution de l’air intérieure provoquant plus de 1,5 million de morts par an. Par ailleurs, près de la moitié de l’humanité ne bénéficie pas de conditions de salubrité correctes, vecteur de nombreuses maladies pourtant souvent évitables à moindre frais. Les catastrophes, naturelles ou causées par l’homme, tuent chaque année 250 000 personnes, dont près de 95% dans les pays en développement, plus fragiles et moins armés pour se prémunir.

Question de sous

Le marché des pilules, vaccins et autres sirops est dominé par le Nord, pour le Nord : 83% du marché mondial des médicaments se partagent entre l’Amérique du Nord (40%), l’Europe (27%) et le Japon (16%). Beaucoup de pays ne peuvent même pas y accéder. La recherche et le développement sur le traitement de maladies transmissibles spécifiques aux pays pauvres est quasiment abandonnée par les trusts pharmaceutiques, parce que ces médicaments ne sont pas rentables faute de demande solvable : entre 1975 et 1997, sur plus de 1 200 nouveaux médicaments commercialisés dans le monde, 11 seulement visaient le traitement d’une maladie tropicale.

Chez nous

En Belgique aussi, pays à la sécurité sociale exemplaire, notre condition sociale influe sur notre santé : 30% des personnes gagnant moins de 750 euros/mois ont une santé très mauvaise à moyenne, contre seulement 9,3% des revenus supérieurs à 1500 euros. Côté études, 40% des « sans diplôme » sont en très mauvaise à moyenne santé, contre 13,5% seulement des personnes qui ont un diplôme d’étude supérieur. Au niveau des causes, épinglons un chiffre, auquel on ne pense pas toujours en termes de santé mais qui illustre un mal-être profond : les suicides, touchant davantage les hommes, représentent plus de 4% des décès en Belgique entre 94 et 97, c’est à dire plus que les accidents de la route (moins de 3%). Ceci il ne fait pas si mauvais vivre chez nous, puisque 77,2% des belges gardent une santé bonne à très bonne.

Ça aussi c’est la santé

N’oublions pas non plus d’autres facteurs de mauvaise santé, comme la violence domestique à l’origine de 5 millions de décès par an dans le monde. Du côté des maladies mentales, l’OMS parle de 400 millions de personnes atteintes, alors qu’un pays sur trois ne dispose pas des médicaments de base nécessaires au traitement de la schizophrénie, de la dépression ou de l’épilepsie. Quant au travail, on dit que c’est la santé, parlons-en ! Chaque année, on recense 250 millions d’accidents du travail dans le monde, et 160 millions de cas de maladies du travail. En termes de coût économique, la note s’élève à 4% du produit national brut mondial. La solution ? Ne comptez pas sur moi pour vous donner congé.

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