Accueil et intégration : la société civile se mobiliseGestes pratiques

11 août 2016

En raison des conventions internationales qu’il a signées et des valeurs de respect des droits humains qu’il défend, l’Etat belge se doit d’accorder des moyens financiers et humains pour l’accueil et l’intégration des réfugiés. Mais par sa capacité et sa rapidité de mobilisation, la société civile (ONG, associations, individus) représente un indispensable soutien aux mesures publiques d’accueil et d’intégration des demandeurs d’asile. Sans toutefois s’y substituer.

Dans un contexte de plus en plus restrictif, le rôle des associations est primordial pour soutenir l’aide matérielle et humaine aux demandeurs d’asile, et rappeler aux mandataires politiques leurs obligations légales et morales envers les peuples en souffrance.

Une fois la situation des demandeurs d’asile régularisée, l’intégration ne se résume pas à des cours de langue. Elle passe aussi par un accompagnement en matière de logement, de scolarité, d’emploi, pour lequel le tissu associatif est primordial. L’intégration est impossible à sens unique, elle passe aussi par des rencontres.

Il existe en Belgique une multitude d’ONG et d’associations qui font de l’accueil des demandeurs d’asile et de l’intégration des réfugiés une priorité absolue, avec cependant des angles d’approche et des moyens d’action spécifiques.

Des ONG – plaidoyers

Citons tout d’abord plusieurs grandes ONG qui ont pignon sur rue et qui ne ménagent pas leurs efforts et leurs prises de parole pour que la Belgique respecte ses obligations internationales en matière d’accueil et de traitement des demandes d’asile. Elles rappellent également à l’opinion publique que la migration fait partie de l’histoire et que l’Europe y a une part de responsabilité qu’elle doit assumer.

Parmi elles, citons la Ligue des droits de l’Homme, Amnesty International, Médecins du monde, le CNCD-11.11.11 et le CIRÉ. Ces ONG de “plaidoyer politique” ont cosigné une carte blanche sur le site de la RTBF le 24 février 2016. Elles déclarent ensemble que “Non, ce n’est pas une crise des réfugiés, c’est une crise de l’humanité. Juste parce qu’il s’agit d’humains qui devraient protéger d’autres humains de la folie de certains autres humains”.

Elles sont aussi actives sur le plan de la mobilisation citoyenne. Quelques jours avant la signature de l’accord entre l’Europe et la Turquie, c’est elles qui ont appelé à manifester à Bruxelles le 27 février dernier sous le slogan “safepassage now”, dans le cadre des marches européennes pour le droit des réfugiés.

Maximilien… et tous les autres

Etre bénévole, oui mais comment?
Heureusement, le « délit de solidarité” n’existe pas (encore) en Belgique. Cela signifie que le fait d’aider les demandeurs d’asile n’est pas punissable par la loi.
Le journal En Marche du 4 février a publié récemment un article avec plein de conseils pour les bénévoles qui veulent s’engager :
• Mettre un logement en location à une ONG ;
• Offrir son temps pour des cours de langue, des transports, des démarches administratives, un soutien scolaire… ;
• Faire des dons de vêtements, matériel… en se renseignant au préalable sur les besoins ;
• Aider les collectifs qui se mettent au service des centres d’accueil pour servir des repas…
• Se proposer comme tuteur pour un MENA (mineur étranger non accompagné), etc.
La liste est longue… et les besoins sont importants!
> Pour connaître les associations actives sur le terrain ou pour proposer son aide, consultez notamment :
www.droitsquotidiens.be
www.refugees-welcome.be
www.fedasil.be/jobs/benevolat
www.bxlrefugees.be

Dès leur arrivée en Belgique, de nombreuses associations et collectifs se mobilisent pour assurer un accueil digne de ce nom à des milliers de personnes qui croient hélas leur parcours du combattant terminé.

Tout le monde se souvient du Parc Maximilien transformé à la hâte en camp de tentes de fortune à côté de l’Office des Etrangers, qui refusait de recevoir plus de 250 personnes par jour alors qu’il en arrivait 800 par jour à la fin de l’été 2015. Par manque de prévoyance, ou plutôt par absence de volonté de prévoyance, le gouvernement ne s’était pas donné les moyens de gérer cet afflux prévisible. Ce sont des collectifs qui ont appelé à la mobilisation citoyenne pour offrir une tente, de la nourriture, des vêtements, des informations et des conseils à des milliers de candidats à l’asile
qui attendaient sur le trottoir avant de pouvoir être reçus à l’Office des Etrangers.
Cette manifestation visible de la solidarité qui s’est organisée a été le déclic pour de nombreux citoyens qui voulaient se rendre utiles, manifester leur soutien aux réfugiés et dire non à l’Europe-forteresse.

Ces deux dernières années, de nombreuses plateformes se sont constituées ou ont renforcé la collaboration avec tous les acteurs qui jouent un rôle dans l’accueil et l’intégration. Par exemple, le Centre régional d’intégration de Charleroi a consolidé une plateforme associative existante en mettant autour de la table des acteurs qui n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble (CPAS, écoles, secteur de la santé, du logement, de l’insertion socioprofessionnelle). L’objectif ? “Créer des ponts, objectiver la situation, mettre de la cohérence dans la mise en place de réponses concrètes.” (1)

Notons qu’il existe également des centres régionaux d’intégration à Namur, Liège, Verviers, La Louvière, Mons, Nivelles et Hotton. Ils n’ont pas dans leur mission principale l’accueil des demandeurs d’asile, mais l’intégration et la
formation des réfugiés

Le Parc Maximilien fut la partie visible de l’iceberg de la solidarité. Car depuis quelques années, de nombreux collectifs de sans-papiers (2) se sont constitués pour les aider à faire reconnaître leurs droits. Ils rencontrent également les élus locaux, les syndicats et les associations locales, vont régulièrement témoigner dans les
écoles, etc. Il y a deux ans, par exemple, c’est le collectif des Afghans qui a soutenu l’occupation de l’église du Béguinage par des Afghans qui avaient été déboutés du droit d’asile, sous prétexte que le pays était à nouveau considéré comme sûr. De nombreux étudiants, bénévoles, artistes se sont mobilisés pour soutenir leur combat, ce qui leur a permis d’obtenir partiellement gain de cause.

Des centres d’accueil dignes de ce nom

Une fois leur demande d’asile introduite à l’Office des Etrangers, la plupart des demandeurs d’asile sont dirigés vers des
centres d’accueil (3). Ils y restent généralement entre deux mois et un an, parfois plus, en attendant d’avoir obtenu le
statut de réfugié ou d’être déboutés. Ici encore, le rôle des associations et des bénévoles est primordial pour leur assurer un accueil digne de ce nom et soutenir les organismes qui gèrent les centres d’accueil. Ce n’est hélas pas le cas partout, et on se souvient du tollé qu’a suscité l’installation d’un centre d’accueil à Walcourt ou encore l’incendie du centre d’accueil à Erezée, juste avant l’arrivée des demandeurs d’asile.

Au-delà de l’obligatoire légal (logement, repas, soins de santé), la société civile se mobilise pour organiser des activités culturelles, sociales, récréatives, qui favorisent la rencontre, la connaissance du pays et de ses institutions, l’intégration.

Michele Di Nanno est membre actif de la Plateforme Migrants à Tournai, qui s’est fortement mobilisée lors de l’ouverture du Centre d’accueil sur le site de la Caserne St-Jean en 2015. Il accueille aujourd’hui près de 700 demandeurs d’asile.
“A Tournai, entre 200 et 300 bénévoles se mobilisent pour contribuer à l’accueil des réfugiés, organisent des ateliers pour enfants, des activités festives, des permanences sociales (avec la difficulté de la langue), des assemblées citoyennes… En étant attentifs à répondre avant tout à leurs besoins et leurs urgences. Ce qui est primordial pour eux quand ils arrivent après un douloureux périple de plusieurs semaines, c’est de poser leur sac et essayer de comprendre ce qui leur arrive, de recevoir des informations et pas nécessairement d’avoir des ateliers récréatifs. Il faut trouver un juste milieu entre leurs attentes et ce que les bénévoles ou les associations ont à leur proposer”.

Les demandeurs d’asile qui ne sont pas hébergés en centres d’accueil sont répartis dans toutes les communes. Celles-ci doivent fournir un certain nombre de logements selon un plan de répartition, appelé Initiatives locales d’accueil (ILA). Ce plan est prise en charge par le fédéral et est contraignant. Mais certaines communes rechignent à le mettre en application. Ici aussi, la vigilance des associations locales et des citoyens est nécessaire pour que les CPAS respectent leurs obligations et mettent en place les démarches pour favoriser leur intégration (recherche d’un logement en fin de procédure, scolarité, apprentissage de la langue…).

La mobilisation citoyenne et associative est donc primordiale dans cette seconde étape de l’accueil, celle qui se situe dans le laps de temps entre l’introduction de la demande d’asile et la reconnaissance (ou non) du statut de réfugié.

Parcours d’intégration

Vient enfin, pour ceux qui ont eu la chance d’obtenir le statut de réfugié (60% en 2015), le temps du laborieux “parcours d’intégration”. En Wallonie et à Bruxelles, ce parcours n’est pas encore obligatoire (ce qui est le cas en Flandre), mais la volonté affichée des deux gouvernements régionaux repose sur une vision positive de l’accueil et pas sur une “injonction d’intégration” avec sanctions fortes à la clé. Le parcours d’intégration implique des actions
coordonnées entre les pouvoirs publics qui financent, et les associations de terrain qui le mettent en œuvre. Il concerne principalement les domaines de l’apprentissage de la langue, l’éducation à la citoyenneté et l’insertion socio-professionnelle.

Souffler sur les braises

Même s’il y a des raisons d’être très inquiets face à la vague anti-réfugiés qui se répand partout en Europe, ce nouveau clivage entre les “anti” et les “pro” a eu le mérite de réveiller la fibre citoyenne et l’élan de solidarité qui sommeille au fond de beaucoup d’entre nous (voir aussi l’encadré).

Tout l’enjeu est de maintenir la flamme allumée et de coordonner les initiatives publiques et associatives. Car “
la plus belle réponse au climat délétère actuel, ce sont les bénévoles et les associations qui les soutiennent, qui expriment quotidiennement leur fraternité, leur humanité et leur attachement aux droits de l’homme. C’est notre responsabilité, en tant que citoyens, mais aussi en tant que responsables politiques de ne pas laisser toute la place à la peur et à la haine”, déclarait Ecolo dans un communiqué de presse du 29 février.

La mobilisation citoyenne ne doit cependant pas se substituer à l’action publique, comme ça a été le cas au Parc Maximilien par exemple. Le rôle des ONG et de l’associatif est également de rappeler au politique qu’il doit respecter ses obligations internationales et ses engagements nationaux en matière de procédures d’accueil et d’accompagnement. La vigilance est de mise dans un contexte de pénurie budgétaire et avec un gouvernement de droite qui pourrait avoir tendance à écouter plutôt les sirènes du populisme que les voix de la solidarité.

Monique Van Dieren
Article publié dans Contrastes n°173 (mars-avril 2016), la revue des Equipes populaires

Photo : Equipes populaires

(1) Thierry Tournoy, directeur du CRIC, dans Alter Echos n°419, 14 mars 2016.
(2) Parmi eux : les Afghans, les Latinos, Voix des sans-papiers à Molenbeek, Voix des sans-papiers à Liège, le Comité des travailleurs avec et sans papiers de la CSC, le Comité des femmes, le Groupe 2009, le Collectif Ebola à St-Josse.
(3) Les centres d’accueil sont des centres ouverts, à ne pas confondre avec les centres fermés qui sont réservés – en principe – aux demandeurs d’asile déboutés en attente de leur expulsion. Les centres d’accueil sont notamment gérés par la Croix-Rouge, Caritas, CIRÉ, SAMU Bruxelles, Solidaris… voire même par des entreprises privées telles que la société de gardiennage Bridgestock à Mouscron. La Belgique dispose actuellement de 35.000 places d’accueil en centres ouverts ou en logements individuels.

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