Vieux zincs, vieux fers…nouvelle vieReportages

14 avril 2002

Intégrer les exclus du marché du travail tout en agissant pour l’environnement : c’est le défi des entreprises d’économie sociale regroupées au sein du réseau Ressources. Une recette pour un développement durable et quotidien.

Le circuit traditionnel du travail a ses pilotes privilégiés, ses cibles fétiches, du style « jeunes cadres dynamiques ». Mais il a aussi ses bannis, ses spectateurs, souvent condamnés à regarder passer le train : les sous-qualifiés chômeurs de trop longue durée, les repris de justice, les déficients moteurs ou cérébraux Pour donner une chance à ces délaissés du système habituel, notamment, des milliers d’entreprises d’économie sociale se sont crées en Belgique, représentant un pan entier de la production nationale (lire à ce sujet Sybille Mertens). Les membres du réseau Ressources sont de celles-là, quelques petits plus en plus.

Service à la collectivité

« Ça reste du business, une activité économique , mais on s’en distingue en la soumettant à des objectifs sociaux et environnementaux », explique Damien Staquet, du réseau Ressources. Cette association fédère une quarantaine d’opérateurs d’économie sociale actifs dans le recyclage et la récupération. Collecte d’habits, réaffectation de palettes en bois, démantèlement d’outils industriels, revalorisation de l’électro. Les membres du réseau – des entreprises indépendantes – ont tous leur filière, conjuguant au quotidien économie, social et environnement. Ils se veulent service à la collectivité, au goût du développement durable : « Le but en soi n’est pas l’activité économique. C’est un moyen qui permet d’intégrer des travailleurs marginalisés et de donner accès à la consommation à ceux qui ont moins de moyens ». Damien Staquet va même plus loin : « dans certains endroits, on préfèrera un éducateur à un délégué commercial ». L’autre petit plus, le côté tri et recyclage, c’est un cadeau à l’environnement. Parce que tout se tient, tout est lié. « L’environnement, pour les exclus, c’est du luxe. Ce n’est pas une préoccupation essentielle dans une période de survie. Or nous, ce que l’on prône, c’est d’intégrer l’environnement dans la réponse aux besoins sociaux, de par les activités proposées », souligne Damien Staquet. Et parce que tout est lié, Ressources tente aussi progressivement, à son niveau, de réduire les écarts Nord/Sud, notamment en termes de fracture numérique.

Machine à laver en fin de vie ?

Ici à Oisquercq, près de Tubize, l’entreprise Rappel fait partie du réseau Ressources et en porte bien la philosophie. Leur projet est né de la faillite retentissante des Forges de Clabecq. Au départ, un petit groupe d’acteurs sociaux se réunissent avec les ouvriers pour réfléchir à un débouché ne serait-ce que modeste, une alternative à ce drame social. Mohammed Belguenani, travailleur social, étaient de ceux-là. «On s’est dit que c’était dans le recyclage de l’électroménager qu’il y avait un truc intéressant à faire, confie-t-il, mais ce n’est pas évident de construire un projet de A à Z avec le monde ouvrier, car après une ou deux réunions, ils demandent du concret ». Résultat de cette cogitation ? Un projet pilote de formation dans le recyclage et la revalorisation des appareils électriques et électroniques, financé via le Forem. La première année, neuf stagiaires – chômeurs de longue durée ou dépendant du minimex – y prennent part. L’année suivante, quatre d’entre eux sont engagés et l’entreprise de réinsertion est créée. Dès le début le secteur s’annonce porteur : 700 tonnes sont collectées. L’idée est, d’une part, de stocker les déchets de l’électro contre monnaie sonnante et trébuchante, d’autre part, de récupérer et de réparer ce qui peut l’être. Les machines remises en état de marche sont vendues à prix démocratique dans un magasin près de l’entreprise. Cela permet à ceux qui en ont moins les moyens de malgré tout avoir accès à l’électro.

Un monde de projets

Par ces processus de formation et d’insertion, un emploi pérenne s’offre à ceux pour qui le marché semblait inaccessible. « Ils apprennent un métier, mais pas seulement, précise Mohammed Belguenani, ils voient aussi des notions de législation sociale, suivent une remise à niveau en français et en calcul Puis le plus dur, quand tu entres dans le milieu du travail, c’est de retrouver un rythme, respecter un horaire, une structure ». « Tout cela leur permet de se reprendre en main », ajoute Damien Staquet.

Le prochain projet ? Mohammed Belguenani regarde au loin, vers un petit village marocain qu’il appuie comme il peut, en offrant son temps et des ordinateurs récupérés ici. Parce que la plupart de nos vieux ordis sont encore excellents pour surfer sur les autoroutes mondiales de l’information. « Cela leur a permis de créer un centre de ressources dans les nouvelles technologies, et une sorte de cybercafé, lieu de discussion et de rencontre ». Les idées du travailleur social foisonnent, de projets en projets, du Nord au Sud.

Contacts : Ressources, Av. Cardinal mercier 53 à 5000 Namur. Tél : 081 71 15 81 – Fax : 081 71 72 43 – info@res-sources.behttp://www.res-sources.be
Rappel, rue Bon Voisin 2a à 1480 Oisquercq. Tél/Fax : 02 355 07 49 – rappel@skynet.be

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