éco-voyage sur papier

6 décembre 2005

papierLa fabrication de papier serait bonne pour l’environnement! C’est en tout cas le message de Paper Chain Forum, regroupant l’ensemble des acteurs économiques liés de près ou de loin à l’industrie du papier. Pour en convaincre le grand public, le 23 novembre dernier, il a emmené en « éco-voyage » les journalistes, animateurs, responsables publiques… Déplions le processus.

Tout d’abord, présentons le G.O. (généreux organisateur). Paper Chain Forum est une asbl dont les actions sont essentiellement financées par ses membres privés. Sa mission principale est la communication de messages liés à la relation entre le papier et l’environnement, en combattant certaines idées ancrées dans les mentalités. En d’autres termes, cette asbl est payée par le monde industriel lié au papier afin de défendre son image en valorisant les aspects les plus positifs de la relation papier-environnement et en défendant le fait que la fabrication du papier ne cause pas la destruction des forêts, ne pollue pas les eaux et qu’il faut trier les vieux papiers.

Un voyage convaincant ?

D’abord, on peut déjà se demander si le terme d’éco-voyage était réellement bien choisi. Le nombre de km parcouru sur une journée, le nombre de gobelets plastiques utilisés … Autant de petits détails qui permettent de s’interroger sur la compréhension qu’ont les organisateurs du concept de développement durable. Ne l’utilisent-t-ils pas comme un outil de communication un peu fourre-tout permettant de démontrer que « l’on fait de l’environnement « ?

Tout fut en tout cas organisé pour prouver aux participants que l’industrie papetière ne pollue pas. Mais au contraire, contribue à la bonne gestion de la forêt. La fabrication du papier n’utilise que des sous-produits de la forêt et des industries du bois, elle permet donc de valoriser les déchets et contribue à la bonne gestion forestière puisque la coupe d’éclaircie est indispensable pour une forêt. Grâce à la fabrication du papier les arbres se portent mieux…
Noyés sous des chiffres tous plus convaincants les uns que les autres et bombardés d’arguments et d’informations scientifiques objectives, les participants n’ont plus qu’à accepter l’évidence : il faut consommer du papier pour contribuer au bon entretien de la forêt et même pour lutter contre l’effet de serre.

Plus durable mais…

Pour s’en convaincre, rien de telle qu’une visite dans l’usine de pâte à papier « Burgo Ardennes ». Ecouteurs sur les oreilles pour ne manquer aucune explication, quitte à rendre les échanges entre les participants plus que difficiles. Le temps n’est pas au débat.
Il faut cependant le reconnaître, les dirigeants de cette entreprise semblent avoir placé l’environnement et le développement durable dans leurs priorités. Nous ne pouvons en effet ignorer les efforts entrepris par la société pour mettre en place son système de management environnemental. Il y a de toute évidence une réduction de la pollution et heureusement !

Mais il ne faut pour autant pas nier le caractère encore polluant d’une telle fabrication. A titre d’exemple, jusqu’à 220 camions arrivent chaque jour, la production est de 33T de papier par heure, pour un besoin énergétique de 60 mWatt sur la totalité du site (dont 60% en autoproduction) et un besoin de 4 m3 d’eau par tonne de papier. Malgré l’abandon du chlore gazeux, la fabrication du papier utilise toujours des produits chimiques dont la composition ne nous a pas été révélée, mais appelée poudre de « perlimpinpin ».

Recycler ou éviter

Certes, des efforts évidents de diminution de la pollution ont été réalisés dans le secteur lié au papier. Certes, la filière papier offre un débouché stable et régulier aux sous-produits de la scierie et au recyclage de vieux papier. Certes, l’on n’abat jamais un arbre de plus de 100 ans pour faire du papier. Mais n’oublions pas l’objectif premier d’une industrie : accroître sa production et sa rentabilité (en 10 ans la productivité a plus que doublé chez Burgo Ardennes). La matière première principale étant les déchets elle a donc tout intérêt à ce que son nombre augmente et donc, d’une part, que les gens recyclent davantage de papier (et pour cela en consomme davantage) et d’autres parts que les autres industries tributaires de la consommation d’arbres en augmente l’abattage.

De façon indirecte, les industriels liés à la fabrication du papier ont plutôt intérêt à pousser la génération du PC et des nouvelles technologies à imprimer, imprimer et réimprimer.
En tant que relais vers les générations futures et travaillant dans l’éducation relative à l’environnement, il est légitime de garder un œil plus que critique sur les documents pédagogiques destinés aux plus jeunes, dont ceux – néanmoins intéressants – produits par Paper Chain Forum. Il est bien entendu qu’il ne faut pas nier le bienfait du recyclage. Mais avant tout, n’est-t-il pas important de rester fidèle au concept des trois R en environnement (Réduire, Réutiliser er Récycler) et axer davantage la sensibilisation sur l’éco-consommation. Le meilleur déchet n’est-il pas celui qui n’existe pas

Valérie Vander Straeten, Réseau IDée

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