Kodiel, quand la confiance renaît à la fermeReportages

1 août 2006

Au cœur du Brabant flamand, la ferme Kodiel accueille des personnes et familles sans-abri. Le temps d’une journée, ils s’approprient les gestes de la ferme et réapprennent la signification du mot « fierté ».

Dans les locaux de l’association bruxelloise De Schutting, Hedwig est fidèle au poste, comme tous les matins. Son mini-bus parqué à l’entrée semble guetter l’arrivée de ceux qui dans quelques minutes prendront le départ pour la ferme Kodiel. Nichée au cœur du Brabant flamand, dans la commune de Merchtem, la ferme Kodiel est une initiative développée par la maison d’accueil Albatros et les logements accompagnés de De Schutting. Hedwig, grand gaillard barbu, est responsable du projet. Sa forte voix résonne, laissant transparaître un léger accent flamand.« Le mini-bus est important, sinon les gens ne se déplacent pas, sauf peut-être les familles ». La journée à Kodiel est proposée aux hommes, femmes et familles qui fréquentent les maisons d’accueil et services d’aide aux sans-abri. Par famille, on entend surtout des mères qui, suite à un divorce, se retrouvent sans logement et atterrissent en maisons d’accueil pour femmes.

Le véhicule bleu a une capacité de maximum huit personnes, bien qu’à la ferme, le nombre de participants reste illimité. « Si on veut bien soutenir les gens, le nombre idéal est de 6 ou 7 personnes », souligne cependant Hedwig. En 2005, la moyenne s’élevait à 7 participants par jour. En tout, ils étaient plus de 200 à avoir passé au moins une journée à Kodiel. Parmi eux, quelque 70 enfants.

Le contact avec les animaux, avant tout

Aujourd’hui, cependant, ils ne sont que deux. Et pour cause, une association d’aide aux sans-abri organise le même jour une sortie à la mer du Nord. « Ça fait plus de cinq ans que la ferme existe. Depuis janvier 2001 », raconte Hedwig, installé derrière son volant. « Parmi les participants, il y a des pionniers, comme Eric ». La casquette vissée sur la tête, Eric acquiesce et esquisse un sourire. Hedwig poursuit : « Il y a un noyau de fidèles, ainsi qu’un roulement de gens qui vont et viennent. Nous avons un principe : une fois qu’une personne a passé une journée à Kodiel, elle peut revenir à vie, même si elle n’est plus suivie par un service d’aide aux sans-abri. »

Ici, pas de règles écrites quant au programme de la journée. Pourtant, avec les années, la tendance penche, tous les mardi et vendredi, pour l’entretien des animaux le matin et les activités avec les chevaux l’après-midi. Quand les participants ont une demande, l’équipe de Kodiel s’adapte. « Au départ, on avait aussi un potager. Mais les gens ne s’y intéressaient pas vraiment. Alors, on va aménager le lieu pour y accueillir des petits animaux à apprivoiser ».

Depuis le lancement de Kodiel, le constat est clair : ce qui prime, c’est le contact avec les animaux, bien au-delà d’autres aspects de la vie à la ferme. Alors qu’il exerçait comme infirmier psychothérapeutique, Hedwig avait déjà découvert l’apport bénéfique du travail avec les chevaux sur ses patients. « Via le contact avec les animaux, on essaie de ‘repassionner’ des gens qui ont perdu confiance en eux. Kodiel n’est pas une sorte d’atelier protégé. Ici, on n’apprend pas à être productif. » Une ferme où les notions de « production» et de « rentabilité » n’ont pas leur place.

Autre chose qu’à la ville

Après une grosse demi-heure de trajet, le mini-bus s’immobilise devant la maisonnette abritant le projet Kodiel. C’est ici que commence la journée à la ferme. Les seaux de nourriture sont remplis à la hâte, afin d’entamer la tournée auprès des chèvres, moutons, vaches, ânes, chevaux de trait et autres animaux dispersés dans divers pâturages en ce chaud mois d’été. Kodiel comprend en tout deux petites fermes et quelques pâturages répartis par-ci par-là dans la commune de Merchtem. Certains de ces terrains sont gracieusement prêtés par des particuliers ou des institutions.

Chaussé de ses bottes vertes en caoutchouc, Eric accompagne une bénévole pour nettoyer l’étable d’une des deux fermettes. Avec les années, cet adepte invétéré de Kodiel a acquis une certaine expérience à la ferme. « J’ai des problèmes psychologiques », explique Eric. « Pour moi, c’est mieux de venir ici que de suivre une ergothérapie ou de travailler dans un atelier protégé ».

Les premiers pas de Kodiel ne se sont pas opérés sans embûches. « Le lancement du projet a suscité pas mal d’affabulations», souligne Hedwig. « Les habitants du quartier ont fait circuler une pétition disant qu’ils ne voulaient pas d’ ‘anciens taulards’ dans leur village. » Une meilleure communication autour du projet, via la distribution de documents, s’est alors imposée, histoire de faire tomber les préjugés et de remettre les pendules à l’heure.

Aujourd’hui, certains habitants du quartier, dont bon nombre d’enfants, n’hésitent pas à venir régulièrement à Kodiel. Une façon d’élargir les contacts sociaux des sans-abris. Et, inversement, l’occasion pour les habitants de développer un autre regard sur les sans-abri. Une fête a d’ailleurs été organisée pour compléter la somme offerte par des sponsors privés pour la construction de boxes pour chevaux. 600 personnes ont répondu à l’appel, dont pas mal du voisinage. Kodiel a maintenant sa place au sein du quartier. Les passants saluent avec enthousiasme. Un homme à vélo freine sec dans son élan pour déposer une énorme courgette pour la soupe. Pour les participants au projet, qui habituellement côtoient le pavé bruxellois, le contraste est saisissant. « Ici, du fait qu’on les salue, ils se sentent respectés et acceptés. C’est autre chose que dans une grande ville », lance Hedwig.

Aucune pression

Constance et son mari, habitants du quartier, sont bénévoles chez Kodiel depuis trois ans. Penchée sur deux grands éviers où baigne la vaisselle du repas de midi, la petite dame raconte : « Ici, pas d’obligations, ni pour les bénévoles, ni pour les participants. On n’utilise pas le verbe ‘devoir’ mais bien ‘pouvoir’ ».

Aucune pression, tel est le mot d’ordre. Hedwig s’en explique : « On tente d’éliminer un maximum d’éléments institutionnels, parce que beaucoup de sans-abri ont un lourd passé institutionnel. Ils gardent en eux une sorte de révolte envers les règlements qu’ils ont dû subir. C’est pourquoi la façon de travailler que nous adoptons chez Kodiel est non-directive. » Cette manière de travailler, l’équipe de Kodiel ne pourrait se la permettre si les problèmes profonds n’étaient pas pris en charge par d’autres services. Et c’est là que se fonde toute la raison d’être et la cohérence du trio Kodiel – Albatros – De Schutting. Une réelle interaction s’opère entre les besoins de base proposés par les institutions et la valorisation de soi au travers d’un projet tel que Kodiel.

« Ce type d’offre a réellement une incidence sur les sans-abri », enchaîne Hedwig. « En venant chez Kodiel, les gens sont fiers de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font. Ils quittent l’image du type qui ne fout rien. Ne plus retourner à la rue devient alors non plus une obligation imposée par les institutions mais bien une volonté. On a constaté à plusieurs reprises que les périodes de stabilité sont de plus en plus longues lorsqu’ils passent par la ferme. Les moments de crise, comme c’est le cas des personnes qui boivent, sont de plus en plus espacés et prennent moins d’ampleur. Le contact avec les animaux a fait ses preuves dans d’autres domaines. Le problème, c’est que les pouvoirs publics ne s’intéressent pas aux sans-abri… »

De retour de promenade à cheval, Eric et un jeune du quartier racontent comment leurs chevaux se sont soudainement retrouvés les quatre fers dans la rivière suite au passage d’un tracteur. « Je savais que je devais rester sur mon cheval quoiqu’il arrive », explique Eric. « Bon réflexe », rétorque Hedwig, en conseils avisés. « Au moins ton cheval n’a pas l’impression que tu l’abandonnes. Une mère ne lâche pas la main de son enfant lorsqu’il y a danger. ». Tout en tapotant amicalement sur l’épaule du petit jeune encore sous le choc, Eric sourit. Parce que Kodiel, ce sont tous ces gestes qui suffisent pour être compris.

Céline Teret

Pour en savoir plus:
Tel : 0478/65 91 89 ou 052/ 25 69 58
E-mail : kodiel@scarlet.be
Adresse de contact : Place de Ninove 10 à 1000 Bruxelles

3 commentaires sur “Kodiel, quand la confiance renaît à la ferme”

  1. anne et michelle dit :

    BONJOUR MARIETTE SON FILS HEDIWG ET LES AUTRES
    HIER ON A PASSER UNE TRES BELLE JOURNEE AUPRES DE VOUS
    L EMBIANCE N A PAS CHANGER
    UN ACEUIL FAMILLIAL ET PLEIN D AMOUR DES ANNIMEAUX BIEN TENNU ET GATER DE LEURS SOIGNIEURS
    UN COIN IDEAL POUR OUBLIER LES PETITS SOUSSIS DE LA VIE .
    UN ENDROIS OU TOUTS EST EGAUX
    C EST PAS LES KILOMMETRES QUI NOUS EMPECHERA DE REVENIR VOUS DIRE BONJOUR ON REVIENDRA PLUS SOUVENT AUPRES DE VOUS
    DERRIERE UN BON BOL DE SOUPE J AI REPRIS L APETIT
    BISOUS A VOUS DE ANNE ET MICHELLE

  2. anne michelle dit :

    FELICITATION HEDWIG MARIETTE ET TOUTE L EQUIPE
    AVEC LE BEAU TEMPS NOUS FERONS LA ROUTE POUR VOUS RENDRE VISITE
    ET APRESIER LES JOIES DE VOTRE FERME
    NOUS AVONS HAT DE VOUS RETROUVER ET DECOUVRIS LES NOUVEAUTEES DE LA FERME KODEIL
    NOUS IMAGINONS LE BONHEUR DES PERSONNES QUI VIENNENT PASSER UNE JOURNEE TRES AGREABLE
    BISOUS A PLUS A VOS TOUS DE ANNE ET MICHELLE

  3. Céline dit :

    Tout nouveau site internet:
    http://www.kodiel.be