Solidarité internationale vs. entreprises multinationalesClés pour comprendre

21 août 2009

globo26Depuis plus de trente ans, l’Asie est une destination privilégiée pour les sites de production des multinationales. Des implantations qui se font rarement au bénéfice des travailleurs. Pour lutter contre les dérives des entreprises et mobiliser les syndicats, AMRC veille…

Ce n’est un secret pour personne : depuis 30 ans, de nombreuses multinationales ont délocalisé leur production vers l’Asie. Ce que l’on sait moins, c’est qu’elles n’hésitent pas non plus à passer d’un pays asiatique à l’autre lorsque des conditions s’avèrent plus « avantageuses », exigeant des législations toujours plus flexibles et une main-d’œuvre toujours moins chère. Les pays d’Asie sont donc eux aussi devenus concurrents et obligés de jouer la carte de la dérégulation.

Ce phénomène, Elaine Hui le connaît bien. Secrétaire générale de la HKCTU, une confédération de syndicats de Hong Kong, elle a compris depuis longtemps qu’une nouvelle stratégie s’imposait pour rompre cette spirale désastreuse pour les travailleurs et l’environnement. « En délocalisant leur production au moindre ‘obstacle’, les entreprises s’opposent en fait à toute réglementation syndicale ou environnementale. Pour combattre ce phénomène, le mouvement syndical traditionnel, national, ne suffit plus. A l’ère de la mondialisation, les travailleurs du monde entier sont face au même destin et au même ennemi. Un nouveau paradigme s’impose : celui de la solidarité. »

La solidarité comme arme

Mettre en place une solidarité internationale pour répondre aux stratégies des multinationales, tel est justement le cheval de bataille de AMRC (Asia Monitoring Resource Center), un partenaire d’Oxfam-Solidarité en Asie. Fondé en 1976 pour surveiller les conditions de travail dans les multinationales débarquant en Asie, AMRC cherche aujourd’hui à soutenir et à renforcer les mouvements sociaux (de travailleurs, de défense des droits humains, de femmes, etc.) et à encourager leurs alliances au niveau national et international, afin de renforcer la liberté d’association et d’obtenir des conditions de travail décentes. Dans 14 pays d’Asie, AMRC appuie une trentaine d’organisations par un travail de recherche, d’information et de formation. L’organisation mène des campagnes, développe des réseaux et s’implique activement dans le lobbying auprès des autorités.

Un travail qui donne des résultats, comme l’a prouvé « l’affaire E-land ». Cette chaîne sud-coréenne de magasins de vêtements s’est trouvée dans une position très délicate suite à une série de grèves très médiatisées en 2007 et 2008. Devant son impopularité grandissante, les investisseurs coréens se sont montrés de plus en plus frileux. Au lieu de choisir la voie du dialogue avec les travailleurs pour résoudre le problème, la société a alors tenté d’entrer à la bourse de Hong Kong afin de trouver des investisseurs étrangers, moins au courant de la situation. Mais AMRC a soutenu des actions de solidarité de syndicats et d’activistes à Hong Kong, ce qui a contrecarré les plans d’E-Land. Au final, la firme a dû renoncer à son projet. Quant à la lutte des travailleurs en Corée du Sud, elle a fini par aboutir à un accord.

Au-delà des secteurs

Pour AMRC, il est primordial d’avoir une vision globale et transversale des questions de travail décent, tant au niveau géographique que sectoriel.

Pour concrétiser cette volonté, AMRC a organisé en mars 2009 ce qui devrait être la première d’une série de rencontres trans-sectorielles unissant des représentants de travailleurs des secteurs formel et informel (voir p. 2), des femmes actives et des ouvriers ruraux de toute l’Asie. Soit au total 57 personnes issues de 18 pays d’Asie. « Un des objectifs de ces conférences est de redéfinir la représentation des travailleurs », explique Sanjiv Pandita, le directeur d’AMRC. « Les syndicats représentent les travailleurs formels, mais qui représente ceux du secteur informel? Comment faire le lien entre eux et améliorer leur pouvoir de négociation? ». Telles sont les questions qui animeront ces rencontres.

La solidarité comme arme, d’accord. Mais fonctionne-t-elle vraiment en temps de crise? « En Asie, bien avant la crise actuelle, nous vivions déjà l’essor de l’économie informelle et des mauvaises conditions de travail, » rappelle Sanjiv. « Mais la crise a aggravé la situation : les législations et les normes de travail en ont encore pris un coup. Comme les gouvernements n’agissent pas et semblent incapables d’empêcher les pertes d’emploi, c’est bien à nous de nous réunir afin de discuter de solutions à long terme. Il s’agit d’un processus lent, mais ensemble, nous avons déjà réussi à amorcer le dialogue. »

Julie Fueyo Fernandez, Oxfam Solidarité
Article publié dans la revue Globo (n°26 – juin 2009)

Photo : ©Tineke D’haese/Oxfam

En savoir plus :

Site de AMRC www.amrc.org.hk

Un commentaire sur “Solidarité internationale vs. entreprises multinationales”

  1. sisud dit :

    Nous vous soutenons dans votre combat, Amitiés