Les jeunes parlent-ils de politique à l’école ?Clés pour comprendre

7 juin 2010

Interview d’Olivier Boutry, formateur à la Ligue des droits de l’Homme et chargé du programme d’animations à destination des jeunes dans les écoles.

Les jeunes, parlent-ils de politique à l’école ?

La politique n’est pas forcément un sujet de prédilection des jeunes mais de nombreux sujets dont ils discutent ont un lien avec la politique. Les jeunes disent souvent que la politique ne les intéresse pas et qu’ils ne veulent pas en parler mais ils évoquent en fait de nombreux sujets qui ont des aspects politiques. Il s’agit donc de leur faire prendre conscience que tous ces aspects se rejoignent.

Le programme Jeunes et politique que nous menons depuis cinq ans veut faire comprendre aux jeunes que la politique est un peu partout et qu’elle ne se limite pas aux partis. La politique c’est aussi le vivre ensemble, la démocratie, la citoyenneté. La culture du vivre en société doit aussi s’apprendre : comment faire en sorte que la démocratie soit pensée à l’école ?

Il y a à la base du projet une volonté de revaloriser les jeunes. Ils ont des capacités, à nous de les entendre et de les écouter. Même si la première impression est souvent que les jeunes se désintéressent de la politique, il ne faut pas toujours s’y fier.

Lors des formations, on discute avec les jeunes des sans-papiers, de la chasse aux chômeurs, de la citoyenneté ou encore de la manière de vivre et d’envisager la ville. En général, la matinée est dédiée à leur donner des informations qui peuvent être débattues, l’après-midi est réservée aux mises en situation. Les jeunes doivent alors avoir la force de prendre position par rapport à une affirmation citée ou une explication donnée, la force aussi d’écouter l’autre, d’échanger des idées et éventuellement de revoir sa position.

A qui est destinée cette formation ?

Nous proposons la formation aux écoles. On travaille souvent avec différents établissements pour avoir une mixité sociale et avec peu de classes par école pour favoriser les échanges. La dernière fois, on avait toutes les réthos de Decroly et deux réthos de la Sainte Famille à Helmet. Il y avait une centaine d’élèves d’écoles très différentes. Du point de vue de la mixité sociale, ça s’est très bien passé. Quand on brise la glace les choses avancent, mais une journée c’est assez court. Le problème c’est l’après : on débute sur la découverte de l’autre, puisque les jeunes de Decroly et de la Sainte famille ne se rencontrent pas forcément spontanément en ville, mais qu’est ce qu’il en est après ?

La politique n’est peut-être pas un sujet de prédilection pour les jeunes mais l’est-elle pour les enseignants ?

Pas vraiment. C’est pour cela qu’on fait participer les professeurs aux formations. Au départ on s’était dit que c’était mieux que les jeunes fassent leur animation l’après-midi et qu’on fasse un atelier particulier pour les profs sur les droits de l’Homme à l’école. Mais d’un autre côté inclure les professeurs dans l’animation, c’est bien parce qu’ils découvrent les élèves différemment. Certains qui sont habituellement assez taiseux peuvent avoir plein de choses à dire sur des sujets qui les interpellent. On espère aussi en impliquant le professeur qu’il puisse continuer le travail après la journée de formation.

Les écoles sont-elles réceptives à la proposition de formation que vous leur faites ?

Force est de constater que les écoles viennent pour finalement consommer une animation et donc les élèves arrivent sans vraiment savoir où ils sont. Dans la dernière version du projet on a demandé aux écoles intéressées que la journée soit préparée avec les élèves avant. On va présenter le projet et on invite déjà tout le monde à réfléchir aux diverses thématiques, à la façon dont ils veulent les aborder. Cela nous permet aussi de pouvoir anticiper et ajuster les jeux d’animations pour que cela devienne leur animation aussi.

Qu’espérez-vous que les jeunes en retirent ?

On invite les jeunes à être vigilants, à être attentifs à ce qui se passe même lorsqu’on n’est pas directement concerné. La formation étant destinée aux rhétoriciens, l’année suivante représente pour eux l’entrée dans la vie active.

Quelles sont les activités qui marchent le mieux avec les jeunes ?

Un jeu qui s’appelle « Je me positionne » où il s’agit pour les jeunes de réagir à une affirmation du style « Il y a trop d’étrangers en Belgique », activité qui démarre au quart de tour.

Il y a aussi une animation sur le fait de nouer des liens entre les médias, les politiques et les citoyens. Qu’est-ce que moi, citoyen, je demande aux médias ? Qu’est-ce que moi, média, je demande aux politiques ? Et finalement, y a-t-il moyen de nouer des liens entre ces différents acteurs ? Cette animation est moins spontanée, un peu plus longue à démarrer mais c’est aussi une façon de définir les différents acteurs et leur rôle dans la perduration du système démocratique.

Qu’est ce qui les intéresse particulièrement ?

Ça dépend un peu de l’époque. Pour l’instant le thème des sans-papiers accroche particulièrement les jeunes. Aussi, la chasse aux chômeurs, les discriminations en général. Lors de la dernière formation, la thématique a été présentée par un intervenant très spontané, et on a vu, dans les évaluations des élèves notamment, que ça les avait vraiment intéressé.

Une des demandes des jeunes est rencontrer des représentants d’autres partis que les traditionnels, et pourquoi pas les partis extrémistes. Bien cadré, cela peut être enrichissant de permettre aux élèves de poser leurs questions à tous les partis sans exclusion. C’est une demande qui paraît légitime et même intéressante. On va voir maintenant si on le fait et comment on peut procéder.

Y a-t-il eu au cours du programme des situations qui soient révélatrices de l’état d’esprit des jeunes quant à la politique ?

Il y a eu un débat à la Maison des cultures de Molenbeek avec les jeunes représentants des partis traditionnels. Au départ les élèves étaient assez impressionnés que ce débat ait été organisé pour eux et de pouvoir poser directement leurs questions. Mais ils ont parfois été un peu déçus du discours qui était finalement assez standard. Ils n’ont pas forcément pu approfondir et avoir réponses à toutes leurs questions, notamment sur les sans-papiers.

A la suite de la première journée, il avait été convenu de trouver des interpellations par rapport aux thématiques abordées à poser aux politiques la semaine qui suivait. Et les politiciens ont été étonnés de la qualité des propos des jeunes qui n’étaient ni vagues ni superficiels. Donc le retour était très positif de ce côté-là.

Du côté des jeunes aussi mais avec l’impression d’un manque de profondeur des politiques par rapport à leurs questions. Suite à ces évaluations, on s’est dit qu’un thème suffisait même s’il y en a beaucoup qui sont intéressants et d’actualité. Approfondir un seul thème peut éviter de s’éparpiller dans le débat avec les politiques.

Proposez-vous des pistes concrètes d’engagement politique ?

On ne propose pas un engagement particulier, à part celui d’être vigilant et de s’informer. A chacun de s’engager à son niveau et de la manière qui lui correspond le mieux.

Propos recueillis par Charlotte Chatelle
Article publié dans le dossier « Jeunes et politiques » d’Antipodes (n° 186 – 2009), la revue d’ITECO

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