Les jardins de la résilienceReportages

9 février 2011

Cousin du DAL, « Solidarités Nouvelles » a lancé en 2008 un projet d’insertion par le jardinage bio à Charleroi. On y cultive les légumes… et la dignité.

Tout a commencé par un fauchage, comme pour faire place nette. Educateur de rue à « Solidarités nouvelles », Denis Uvier est un militant ardent et plein de ressources. Il était déjà connu pour ses actions revendicatives et pour avoir vécu avec des SDF en habitats nomades sur un terril. Cette fois-ci, il est venu sur ce jardin de Jumet avec quelques copains. « C’était une grande friche, avec des bosses partout. On a retiré des blocs de béton et des bris de verre ». Dans la grande maison voisine, l’ASBL hébergeait dans le cadre d’un bail transitoire de trois ans des personnes en situation de grande précarité. L’idée est alors venue d’utiliser la friche comme appui pour l’insertion. « On a proposé aux locataires un contrat d’insertion dans lequel ils s’engageaient à venir travailler le jardin ».

Du toit végétalisé à la yourte…

Un an plus tard, l’espace est investi et organisé. Serre, enclos pour les poules, bac à compost, yourte, toit végétalisé et même potager ont pris place dans le décor. Tout a été fait avec des matériaux récupérés. « Au début, raconte Patrick, bénévole, certains avaient de l’appréhension à mettre la main à la terre, ça s’est fait progressivement. » Et puis on a instauré des règles de vie en société : respect des autres, consignes de sécurité, pas d’alcool au jardin. Aujourd’hui, quand les salariés et bénévoles de l’association arrivent le matin, les jardiniers amateurs sont déjà à l’oeuvre, sèment, plantent, récoltent, expérimentent… Ici on teste le jardin au carré, là on plante des pommiers. Des voisins du quartier viennent volontiers filer un coup de main, donner des conseils, tel Lucien, 70 ans, ex-mineur: « Je leur apprends comment ‘buter’ les pommes de terre. » L’enracinement dans le quartier est une réussite, alors qu’au début les voisins voyaient l’arrivée des précaires d’un oeil suspicieux.
« Ils ont du mal à penser au lendemain, vivent au jour le jour », note Christian, éducateur de rue. « On leur apprend à faire des soupes qu’ils peuvent manger pendant toute la semaine. Et puis on les considère d’égal à égal. Ils ont vécu des cassures à l’école. Et nous aussi nous sommes passés par des difficultés, on les comprend. »

Utiliser la nature pour se mettre debout

Le midi, à la belle saison, on s’installe au jardin pour manger. « L’intérêt est de recréer des lieux de convivialité », explique Denis Uvier, mais aussi de partir des ressources naturelles comme base pour se mettre debout ». Au fil de la promenade dans le jardin, Denis montre des symboles qui font sens : cette racine sciée sur laquelle un boulot a poussé, ce cognassier presque mort qu’on a réussi à ressusciter en l’arrosant chaque soir…
« Quand on s’en va le soir, les personnes s’autogèrent, il n’y a pas de souci ».
Association en lutte pour les droits des personnes, Solidarités Nouvelles insiste sur un point : elle ne fait pas à la place des personnes. « On met en place les conditions pour qu’elles soient autonomes, puis on se retire doucement », note Christian. Au bout de trois ans, les personnes partent pour un nouveau logement, individuel cette fois-ci, et un projet de vie.
« On veut faire du social autrement », conclut Denis. « Ici, on s’entr’aide, on n’est pas dans l’individualisme. et puis on est en lutte pour ses droits. C’est une école de la militance. On bute et en même temps, on discute ».

Article rédigé par Patricia Hanssens dans « Le 23 » Journal d’expression du Réseau MRES (n°202, Hiver 2010-2011)

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