ACUA : un droit qui coule de source !Reportages

11 juillet 2011

ACUA est une association active au Salvador. Son ancien directeur Walter González présente les activités de l’organisation autour de la gestion de l’eau, le renforcement des populations locales et le genre.

D’importants changements sont en cours au sein de la société salvadorienne, dont un des plus remarquables est l’ouverture des autorités publiques aux débats avec la société civile. La création de ce nouvel espace de dialogue est un processus de longue haleine. Des tables de discussions et des forums publics ont déjà été créés dans de nombreux domaines : gestion des ressources hydriques, agriculture, gestion publique, genre, jeunesse, éducation ou encore santé.

« Avant la création de ACUA, la plupart de ses membres fondateurs étaient déjà actifs au sein de différentes organisations sociales dans la Cordillera del Balsamo, une région au sud de la capitale San Salvador. Ils travaillaient autour de plusieurs thématiques, dont la gestion durable de l’eau, et plus particulièrement la reconnaissance du droit à l’eau et l’accès à cette ressource en milieu rural », explique Walter González.

Profil de ACUA
Qui ? La Asociación Comunitaria Unida para el Agua y la Agricultura est partenaire d’Oxfam-Solidarité depuis 2008.
Quoi ? L’ONG œuvre au niveau local et national et concentre principalement ses activités dans les domaines de la gestion de l’eau, l’agriculture et la gestion des risques de catastrophes naturelles.

« En 2005, à la demande des communautés locales, ainsi que de collègues de la coopération internationale, nous avons créé cette association pour continuer à travailler sur cette thématique importante. Le thème de l’eau doit ici être vu au sens large ; il englobe également l’agriculture et la réduction des risques de catastrophes. En effet, au Salvador, plus de 80% de ces catastrophes naturelles sont liées à l’écoulement de l’eau. »

L’eau, sacrée au Salvador

« L’accès à une eau potable de qualité est un problème récurrent au Salvador », poursuit Walter González. « Notre pays ne dispose pas de beaucoup de réserves, il n’y a pas de législation cohérente, pas de planification au niveau national, très peu d’investissements de l’État, etc. Dans la région de la Cordillera del Balsamo, par exemple, les ressources hydriques sont détournées au profit de grands projets résidentiels qui ont un impact important sur la disponibilité de l’eau pour les populations locales. En outre, dans tout le Salvador, les autorités ont depuis longtemps abandonné leur rôle de fournisseur de services publics, bien qu’officiellement elles en soient responsables. Les communautés locales sont ainsi abandonnées à leur sort. »

ACUA tente de couvrir tous les aspects liés à la gestion de l’eau. « L’organisation fait également de la recherche », ajoute Walter González. « Elle appuie les luttes sociales pour le droit à l’eau, contribue à la structuration des communautés et travaille également au niveau législatif et politique. Nous assistons par exemple les gouvernements locaux dans la planification à long terme de la gestion des ressources hydriques. »

Le droit à l’eau dans la Constitution

Depuis un peu plus de deux ans, ACUA fait partie d’un large mouvement citoyen qui rassemble des organisations issues de toutes les couches de la société civile.

« En 2008, notre demande d’inscrire le droit à l’eau dans la Constitution a été appuyée par une pétition qui a recueilli plus de 92.000 signatures », explique Walter González.

« Ceci est particulièrement important : dans le cadre d’accords commerciaux ou de partenariat conclus avec les États-Unis et l’Union européenne, seule compte la Constitution. Y inscrire le droit à l’eau, comme l’a par exemple fait l’Uruguay, permettrait d’empêcher que certaines dispositions de ces accords commerciaux, visant par exemple la privatisation de la distribution d’eau, ne violent ce droit fondamental. Le chemin à parcourir est encore long, mais la situation évolue plutôt favorablement. »

Le genre, un sujet très délicat

Le Salvador est un pays de tradition patriarcale, profondément machiste et la violence liée au genre y est omniprésente. Il est donc encore très délicat de débattre des questions liées au genre, voire même d’évoquer le sujet.

« Lors de la création de ACUA, nous avons entrepris d’aborder cette thématique au niveau des communautés locales. Nous avons organisé des échanges et des débats, mais très vite certaines femmes ont été confrontées à des violences domestiques en raison de leur participation à ces discussions. Elles ont alors souligné l’importance d’inclure les hommes dans ces discussions, et donc de changer radicalement notre approche. »

« Certains de nos membres ont alors commencé à se former plus en profondeur sur ce sujet », continue Walter Gonzàlez. « Ils ont ensuite répercuté ces formations au sein des communautés avec lesquelles ils travaillaient. »

Au Salvador, comme dans de nombreux pays du monde, l’inégalité des genres fait partie intégrante de la structure sociale, tant dans la sphère familiale que professionnelle. Et la violence qui accompagne cette inégalité est quotidienne, qu’il s’agisse de violence physique, verbale ou psychologique.

Au sein de certaines communautés où ACUA travaille, de faibles évolutions sont déjà visibles. Toutefois, changer radicalement les relations entre les hommes et les femmes ne pourra se faire que sur plusieurs générations.
« Bien que ce travail porte ses fruits à l’intérieur d’une communauté, opérer un changement plus en profondeur de la société nécessitera une implication au niveau national », ajoute Walter González.

Renforcer les populations locales

À la création de ACUA, les populations locales ne réclamaient pas un accès à l’eau, car elles ne savaient tout simplement pas que c’était leur droit. La première étape consistait donc à expliquer que l’État n’avait pas le droit de les négliger en détournant l’eau, indispensable à l’amélioration de leur qualité de vie.

« Le problème n’était pas d’ordre technique, mais bien une question de volonté politique. À partir de ce moment, nous nous sommes spécialisés pour pouvoir présenter aux autorités locales et nationales des arguments techniques appuyant les demandes sociales des communautés. »

« Concrètement, nous essayons d’amener toutes les parties à discuter de façon régulière et nous œuvrons pour inscrire ces demandes sociales à l’agenda politique. Les analyses et les propositions que nous fournissons permettent de mieux connaître la situation et de répondre efficacement à ces demandes », explique Walter González.

« Voir émerger au sein d’une communauté la capacité de penser et de transformer la société me remplit de fierté » W. González

« Après 6 années de fonctionnement de l’organisation, une de mes plus grandes satisfactions est de constater que le travail de renforcement des populations porte réellement ses fruits. Lors d’une réunion avec le bourgmestre d’une commune de la région de Tamanique, dans la Cordillera del Balsamo, qui abrite une nouvelle zone résidentielle, j’ai pu constater à quel point les demandes de la communauté locale étaient bien construites et argumentées. Ni l’autorité publique locale, ni l’administration de la zone résidentielle n’ont pu invoquer d’arguments convaincants pour les refuser, et ils obtenu gain de cause », se félicite Walter González.

« Voir une communauté prendre en main son destin et exercer son pouvoir citoyen, voir se développer leur capacité de penser et de transformer la société me remplit de fierté », conclut l’ancien directeur de ACUA, qui est entre-temps devenu responsable régional du plaidoyer politique au sein du bureau local d’Oxfam-Solidarité au Salvador.

Laurent Bourgeois, Oxfam Solidarité
Article publié dans la revue Globo (n°34 – juin 2011)
Photos : © Tineke D’haese/Oxfam-Solidarité

Plus d’infos sur www.oxfamsol.be > rubrique Partenariat Sud

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