Enfants… dehors !Reportages

26 juillet 2011

Jouer à l’extérieur, sur une aire de jeu, dans les bois ou en rue… un plaisir ! Pourtant, les enfants sont souvent confinés entre quatre murs. Et quand ils sont dehors, on ne les lâche pas d’une semelle. « De peur de… » Une surprotection qui peut nuire au développement et à l’autonomie de l’enfant. Il s’agit donc pour les parents et les pédagogues de trouver un juste milieu.

« Repensez à votre espace de jeu préféré quand vous étiez enfant… Je vais maintenant vous poser deux questions. Pour chacune d’elles, si la réponse est oui, levez-vous. » Bref silence… « Cet endroit de jeu se situait-il en extérieur ? Avait-t-il lieu hors de l’assistance d’adultes ? » À deux reprises, l’écrasante majorité de l’assistance se lève. Un exercice simple mais révélateur proposé par Tim Gill pour introduire son intervention à la conférence « Quand les enfants jouent à l’extérieur »*.

« Explorer fait partie de la magie de l’enfance », poursuit encore ce pédagogue anglais. A l’appui d’une carte géographique d’une ville anglaise, il montre l’évolution du « dehors comme espace de jeu » exploré par un enfant âgé de 8 ans et seul, il y a 3 générations, ensuite il y a 2 générations, puis une, et enfin aujourd’hui. Cet espace, qui se dessine d’abord sur quelques kilomètres, se rétrécit à quelques rues, puis à une rue, et enfin au pas de la porte… Les enfants d’aujourd’hui sont confinés entre 4 murs. S’ils jouent à l’extérieur, ils sont très cadrés. Et s’ils sont non accompagnés, ils restent surveillés. En témoigne le boum des téléphones portables pour les jeunes. En témoignent aussi ces plaines de jeu complètement barricadées, cloisonnées, hyper sécurisées… « Pourtant, les enfants ont besoin et veulent prendre des risques quand ils jouent », martèle encore le pédagogue. Alors que défile une photo d’une cabane dans les bois, construite par des enfants lors d’une balade en forêt, il ajoute avec humour : « Aurons-nous bientôt besoin d’un standard européen pour ces cabanes-là ? J’espère que non ! » Il poursuit encore : « Il faut trouver un juste milieu entre le « risque » et le « bénéfice » ». Ce dernier comprenant les facteurs positifs pour l’enfant comme l’amusement, le stimulant, le dépassement de soi, le développement psychomoteur…



Nouvelle « ère »… de jeux

Lors de la conférence « Quand les enfants jouent à l’extérieur »*, Cécile Duvivier de Bruxelles Environnement a présenté une étude réalisée sur l’offre ludo-sportive en Région bruxelloise. Afin de mieux répondre aux résultats de cette étude, une dynamique nouvelle devrait progressivement voir le jour dans la construction et la rénovation des aires de jeux à Bruxelles. Parmi les stratégies prévues, épinglons la volonté de concevoir les espaces verts sous le prisme de la ludicité en travaillant avec les paysagistes ; d’élargir et décloisonner les espaces de jeux ; de connecter les zones formelles (plaines) et informelles (trottoirs…) ; de porter une attention particulière aux publics « délaissés » (à savoir : les filles, les enfants handicapés, les 0-3 ans, ainsi que l’intergénérationnel) ; de privilégier les représentations abstraites (faire appel à l’imaginaire plutôt qu’aux habituelles reproductions du monde réel – train, château…) et l’approche sensorielle (jeux d’eau, sols de sable ou de terre permettant d’être travaillés par les enfants). Enfin, et non des moindres, la tendance va aussi à la prise en compte de l’avis et des idées des enfants, au travers d’une approche participative dans le processus de construction des plaines de jeux. Alors, pour bientôt, cette nouvelle « ère » de jeux à Bruxelles ?
> plus d’infos sur le site de Bruxelles Environnement

Entre permissivité et hyper protection

Ce n’est un secret pour personne, cette tendance à enfermer et protéger l’enfant est alimentée par la peur. La peur qu’il ne leur arrive quelque chose, la peur d’être tenu pour responsable d’un accident survenu, la peur, même, d’être poursuivi en justice. Peur émanant des parents, d’abord, des pédagogues aussi. Une peur qu’on ne peut négliger, certes, mais à gérer avec modération. Selon Roger Prott, pédagogue allemand, le rôle des parents et des pédagogues n’est pas de surprotéger les enfants, mais bien de les guider vers leur autonomie. Il plaide pour le libre développement de l’enfant, pour son indépendance et sa responsabilisation. « Toute vie comporte des risques. Si les parents et les éducateurs ne prennent aucun risque, les enfants encourront le risque d’un développement limité. » Laisser les enfants jouer sans la présence immédiate d’adultes est essentiel. « Le meilleur instrument des enfants, ce sont ses compétences ! » Lui faire confiance donc, dans ce qu’il est et ce qu’il sait. Il ne s’agit pas de tout laisser faire, mais à nouveau de trouver un juste milieu entre la permissivité et l’hyper protection, car « une supervision trop intense est tout aussi erronée qu’une supervision insuffisante ».

Dans le public, une femme travaillant dans le secteur de l’enfance interroge : « La Belgique est marquée par les affaires d’enlèvements d’enfants et de pédophilie qu’on connaît… Comment passer au-dessus de ces peurs, c’est tellement difficile… » Et au pédagogue allemand de répondre, au risque de choquer l’assistance : « C’est la vie… Il faut être conscient du danger, mais tout en sachant que la probabilité que ça arrive est pratiquement inexistante… Il faut parler aux parents, faire des activités avec eux, montrer que vous vous souciez de leurs enfants. »

Dehors, espace de jeu et d’apprentissages

Au Danemark, les enfants font la sieste dehors, été comme hiver, qu’il vente ou qu’il neige… A domicile ou dans les écoles. C’est comme ça, inscrit dans les mentalités depuis des générations. Claus Jensen, acteur de la petite enfance, est venu en témoigner lors de cette conférence. Il raconte aussi les écoles de la forêt, où les enfants sont dehors en toute saison, en contact direct avec la nature. Il explique aussi l’influence positive du jeu en plein air sur l’enfance. Que ce soit dans les grands espaces boisés du Danemark ou dans les rues animées de Barcelone, tout est source d’amusement et d’apprentissages.

Les possibilités foisonnent, les apports pédagogiques également. Une évolution des mentalités vers le « dehors » s’impose. Et l’éducation relative à l’environnement a toute sa raison d’être dans ce défi !

Céline Teret

* Matinée-conférence organisée le 9 juin à Bruxelles par le réseau Enfants d’Europe et l’Observatoire de l’Enfant.

En savoir plus :

  • Les intervenants à cette conférence « Quand les enfants jouent à l’extérieur » ont tous publié un article dans la revue Enfants d’Europe (« Jouer en plein air », n°19, nov. 2010) disponible sur demande auprès de l’Observatoire de l’Enfant : 02 800 84 86 – www.grandirabruxelles.be
  • Lire aussi l’article publié dans Symbioses n°89 « Une classe sans mur ni toit »

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