Vivre la vie qu’on veutFocusReportages

27 mars 2012

Le Val des coccinelles… Un habitat groupé qui réunit 14 personnes handicapées légères, ainsi qu’une association d’accompagnement. Récit.

« Ici, on fait ce qu’on veut, c’est ça qui est important ! » Séverine habite le Val des coccinelles depuis un an déjà. Elle loue ici un petit studio, une pièce avec cuisine et salle de bains. Une fois la porte fermée, elle est chez elle. Mais si elle le désire, une salle commune est ouverte de l’autre côté du couloir, et elle peut y retrouver l’un ou l’autre de ses voisins. Une fois par semaine, tous se réunissent pour préparer une activité collective ou discuter d’une question, d’un souci. Et le lundi, quelques-uns préparent un repas pour ceux qui le souhaitent. « Je trouve cette formule vraiment super, poursuit Séverine. Occuper un appartement toute seule n’aurait pas été possible pour moi, j’aurais vite déprimé. Ici il y a du mouvement, des activités. »

Le Val des coccinelles, à Rixensart, est un habitat groupé qui réunit 14 personnes handicapées légères, ainsi qu’une association d’accompagnement, qui loue ses locaux. « L’isolement est une vraie question pour les personnes handicapées », explique Luc Delvaux, le coordinateur. Vivre seul est souvent inenvisageable, et la seule alternative à la famille est alors l’institution – c’est-à-dire le retrait de la vie réelle, de la société. « L’idée est ici de construire une dynamique de groupe autour de la réalisation de projets, de permettre un maximum de rencontres – d’abord entre personnes handicapées, ensuite avec d’autres. Mais chacun vit la vie qu’il a envie de vivre, il n’y a pas de contrainte d’horaire, de repas, de couvre-feu. Les habitants ont ainsi rédigé des “Recommandations d’ordre intérieur” et non un règlement, car ils ne veulent pas se sanctionner. » L’association a posé des limites claires : elle est présente pour aider chacun des habitants à faire ses choix personnels et trouver ou créer les services nécessaires pour y arriver. Mais la grande majorité des habitants sont occupés à l’extérieur en journée, et le soir venu l’ASBL ferme ses bureaux (il n’y a donc pas de gardien pendant la nuit). « Certains peuvent tout simplement recommencer à vivre. Une entraide se développe : l’un a trouvé du travail grâce à son voisin, l’autre reçoit un coup de main pour se rendre à la gare tous les matins, etc. Il a fallu beaucoup de temps pour que les gens fassent des choses ensemble, mais cela commence, petit à petit. » Contrairement à nombre d’habitats collectifs « classiques », les habitants ne se sont pas choisis, et les affinités se mettent en place doucement. « Je suis amie avec quatre autres personnes depuis quelques semaines, explique Séverine. On se voit le soir, quand elles rentrent du travail. »

Certains habitats collectifs pensent à plus de mixité, à faire cohabiter handicapés et non-handicapés. Ici, seule une mère habite au Val, son fils ayant besoin d’une présence constante. « C’est une bonne solution pour l’instant, mais à l’avenir nous ne mêlerons pas les deux : le risque d’une prise de pouvoir existe en effet. On impose des règles qui paraissent justes, en toute bonne foi, mais en face les personnes handicapées n’ont pas vraiment les moyens de s’y opposer. Et puis la personne handicapée peut devenir l’obligé des autres, culpabiliser, etc. Dans l’absolu, plus il y a de diversité mieux c’est, mais la pratique est complexe et délicate. » Au Val, la force du groupe – avec le coup de pouce ponctuel de l’ASBL – fait bouger chacun, même si c’est parfois très lent. Et l’habitat groupé est tout simplement le seul à offrir à la fois cette liberté et cette sécurité…

Laure de Hesselle
Article publié dans Imagine demain le monde (n°89, janv.-févr. 2012)

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