Troquons nos fringues… en plein air!Gestes pratiques

28 juin 2012

Le troc de vêtements, une formule conviviale et gratuite qui commence à faire son petit bonhomme de chemin dans les esprits, les foyers, les collectivités. Et pourquoi ne pas élargir la démarche en organisant un échange de fringues en rue, ouvert à tous ? L’idée a germé, puis ils l’ont concrétisée. « Ils », ce sont de « simples citoyens », Anne-Catherine et Martin. Ce couple d’artistes a organisé le premier samedi des soldes d’été, un troc de vêtements sur le pavé bruxellois, non loin de la rue Neuve, temple du lèche-vitrine compulsif et des prix cassés. Et ils remettent ça le samedi 7 juillet 2012.

D’où vient l’idée ? Et qui se cache derrière cette initiative ?

Ça fait plusieurs années que nous nous réunissons avec une dizaine d’autres artistes pour partager, débattre, s’informer, lire des articles, regarder des documentaires et essayer de dégager de nos réunions une vision globale de l’état du monde qui nous entoure. À la suite de ces réunions, outre l’absolue certitude qu’il faut lutter sans relâche contre la colonisation des esprits par le consumérisme, nous avons décidé d’agir dans des espaces réels plutôt que dans le cadre souvent privilégié d’un théâtre, de se confronter aux gens plutôt qu’aux spectateurs. Nous sommes tous les deux à l’initiative de ces actions, nous nous joignons également à d’autres groupes quand l’occasion se présente. Nous ne nous « cachons » pas derrière ces actions, cet anonymat relatif exprime simplement l’idée que nous sommes juste de simples citoyens et que n’importe qui peut faire la même chose que nous. Il suffit de le faire.

Avec quel objectif avez-vous mis ça en place ?

Pour nous, la phrase : « Un autre monde est possible » n’est pas une formule magique ou une pommade psychologique. C’est une invitation à travailler avec fermeté et enthousiasme à la profonde transformation des rapports humains, en commençant par soi-même et en allant jusqu’au bout.

Vous avez choisi la rue Neuve et le début des soldes pour organiser cette action. Un lieu et une période non anodins…

Nous voulons ouvrir les consciences dans un champ beaucoup plus large que juste entre « pro-bio », écologistes, altermondialistes, ou indignés convaincus. La publicité et le marketing, les lobbys et les agences de com travaillent avec des moyens et une efficacité que le monde alternatif n’a que trop rarement. Il faut aller ouvrir des brèches aux endroits où rien ne semble remettre en question l’injonction publicitaire à la surconsommation. C’est dans les métros, les supermarchés, les écoles, les prisons, les banques, les embouteillages et les galeries commerciales que se trouve la population, plus que dans les théâtres ou dans les salons du Bio. Dans la rue Neuve le premier samedi de juillet, on peut mesurer le travail de soumission fait par la publicité sur la population. Certains refuseront même d’entendre ce simple message: « Vêtements gratuits, propres et en bon état, homme, femme et enfant, à donner, à 50m sur votre gauche ! » D’autres, nombreux, profiteront de ce qui semble être un rêve et partiront les bras chargés en ayant l’impression confuse d’une entourloupe dont ils ont, par miracle, bénéficié. Non, messieurs dames, il n’y a pas d’arnaque: ce sont juste des rapports humains différents qui ne sont pas basés sur le profit individuel mais bien sur le profit collectif. Le mode de consommation occidental, c(h)ristalisé au moment des soldes, n’est pas une fatalité: c’est un choix et d’autres choix existent.

Comment ça s’est passé concrètement ?

Nous nous sommes donné rdv à 12h rue aux Choux, perpendiculaire à la rue Neuve, et quand il y a eu suffisamment de participants ayant apporté leurs vieux vêtements, nous avons délimité des espaces « hommes », « femmes », et « enfants » au sol avec des craies de couleurs ainsi qu’un espace « à donner ». Le reste s’est fait presque tout seul. Les gens se sont mis à papoter, à échanger… à être heureux de ne pas utiliser d’argent, pour une fois. Certains passants voulant participer au troc mais n’ayant pas apporté de vieux vêtements, nous ont acheté des sandwichs et de l’eau… contre une chemise, des jeux pour enfants. À la fin de l’après-midi, nous avions une grande quantité de vêtements que personne n’avait pris. Nous les avons apporté aux réfugiés afghans à Ixelles.

Une centaine de participants étaient au rendez-vous… C’était plus qu’attendu? Et est-ce que ça a touché aussi des passants, non sensibilisés « à la base » ?

Nous étions évidement très heureux de voir qu’autant de gens aient été séduits par l’idée et de constater que la convivialité découle naturellement de ce genre d’événement. Les passants ont été frappés par ce décalage d’atmosphère décontractée et festive à quelques enjambées de la frénésie des soldes. Beaucoup nous ont laissé leur adresse mail pour être de la partie l’an prochain.

Il y a donc eu beaucoup participants, ainsi que des répercussions dans la presse : comment expliquer ce « succès » ?

Les événements de ces dernières années ont montré de façon assez claire les limites de notre système. De plus en plus de gens ont envie de répondre aux initiatives de ce genre: les bienfaits sont clairs et immédiats. La presse, quand elle fait bien son travail, est elle aussi à la recherche d’une redéfinition permanente de notre société, d’une réflexion commune pour le bénéfice de tous.

Une anecdote ?

Je (Martin) suis rentré chez moi avec trois belles chemises et un grand sourire.

Une déception ?

Le fait de se sentir en minorité face à la machine capitaliste est parfois un peu désespérant mais ça ne dure jamais: il y a de plus en plus de gens qui y renoncent et puis on s’amuse beaucoup, on crée des liens…

Plus d’infos sur la prochaine édition ?

Rendez-vous le samedi 7 juillet 2012, à 12h, rue aux Choux (perpendiculaire à la rue Neuve, en face de l’église ND du Finistère). Nous avons créé une adresse mail sur laquelle il est possible de s’inscrire pour recevoir les informations, proposer son aide, son soutien : de.simples.citoyens@gmail.com
Nous aimerions agrémenter la prochaine édition d’animations de rue et de fanfares et nous aurons sans doute besoin d’aide pour encadrer l’événement.

Propos recueillis par Céline Teret

5 commentaires sur “Troquons nos fringues… en plein air!”

  1. Céline dit :

    Le prochain troc c’est pour le SAMEDI 7 JUILLET 2012, à 12h, rue aux Choux à Bruxelles!

  2. [...] compulsif et des prix cassés. Et ils comptent bien remettre ça.   La suite à lire sur : http://www.mondequibouge.be/index.php/2011/11/troquons-nos-fringues-en-plein-air/ J'aimeJ'aimeSoyez le premier à aimer ce [...]

  3. Ludivine dit :

    Super! merci Céline, je les contacte dès aujourd’hui! J’en ai parlé autour de moi et j’ai relayé l’info via facebook où bcp de gens de mon entourage ont salué le site ET l’initiative de ce troc.
    A très bientôt et belle journée,
    Ludivine

  4. Céline dit :

    Bonjour,
    Pour contacter les « organisateurs » de cette action : de.simples.citoyens@gmail.com
    Le plus simple est de passer directement par eux pour proposer un coup de main ou envisager d’élargir l’action en d’autres lieux, à une autre date…
    Et tenez nous au courant, on relayera l’info sur Mondequibouge.be
    Céline

  5. Ludivine dit :

    Bonsoir!

    Je suis ravie d’être « tombée » sur votre site en cherchant un livre sur la décroissance.
    Ensuite, je lis cette interview et je trouve l’idée géniale. Quelques amies faisaient déjà ce genre de choses (entre artistes, pas hyper riches, on échange et on a des super trucs ;) chez elles mais cette ampleur prouve que nous ne sommes pas seules et ça fait du bien!
    Je serai de la partie en juillet…à moins qu’on puisse organiser autre chose avant?

    Une perpendiculaire à l’avenue Louise ou au Boulevard de Waterloo? :)

    Ce serait un grand plaisir pour moi de participer et vous aider dans ce type de projets et démarches.

    Ludivine, comédienne, Bruxelles.