Le bruit c’est la vie ! Ouvrez grand vos oreilles…Clés pour comprendre

21 janvier 2013

La perception sonore est un élément essentiel de la connaissance de notre environnement. Mais faut-il parler de bruit ou de sons? Contrairement aux physiciens, acousticiens et même au Larousse, nous avons choisi de ne pas différencier ou opposer ces deux mots mais simplement de considérer que leur utilisation est subjective et qu’ils n’existent que parce que nous les entendons et que nous les analysons.

Première nuisance citée par les Français, le bruit est aujourd’hui sur le devant de la scène, les associations et les manifestations de lutte sont en pleine effervescence.

Le bruit est une pollution qui existe depuis très longtemps dans les villes mais le développement industriel et l’urbanisation croissante du siècle dernier lui ont progressivement donné une dimension de plus en plus importante mais aussi de plus en plus négative dans notre société et notre vie quotidienne.

A Bruxelles, du 21 au 27 janvier 2013, la semaine du son propose une série d’événements liés au sonore ; des conférences, des ateliers, des concerts, des performances, des installations sonores, des rallyes sonores dans la ville… Retrouvez le programme ici: La semaine du son.be

Il est vrai que le bruit gêne, que le bruit fatigue et qu’il peut même être responsable de nombreuses pathologies, certes, toutefois il ne faut pas non plus tomber dans l’extrême et oublier que l’absence totale de bruit (ou de sons, mais c’est une simple question de vocabulaire) est tout aussi pénible à supporter. Nous ne sommes pas faits pour vivre dans et avec le silence, c’est le bruit qui témoigne de notre activité et donc du fait que nous sommes vivants, le silence c’est la mort. Vivre c’est vibrer, toute activité humaine est génératrice de bruit, la vie même est génératrice de bruit, le cœur qui bat, le sang qui coule dans les veines…

Le progrès

Les évolutions technologiques ont fait passer notre société par différents stades d’acceptation du bruit. Il y a une cinquantaine d’années, les machines qui tournaient à un rythme effréné et qui généraient un vacarme effroyable étaient signe de production et de prospérité, aujourd’hui ce que l’on en retient – à raison – c’est que ce vacarme représente un véritable danger pour la santé.

Toute activité humaine est génératrice de bruit, l’homme est de plus en plus actif et ceci dans des domaines de plus en plus diversifiés.

Un des enjeux du progrès c’est de maîtriser notre activité, à nous de maîtriser le bruit qu’elle génère inexorablement et peut-être un jour aurons-nous des avions moins bruyants, des logements mieux insonorisés…

En fait, au fil de toutes ces années, le bruit a été dénaturé, nous lui avons donné le mauvais rôle, nous l’avons abusé et nous nous sommes laissés abuser, allant jusqu’à oublier qu’il est aussi un des fondements des relations interindividuelles.

Le bruit: un simple code

Tout comme le langage qu’il faut maîtriser pour pouvoir parler, le bruit est régi par un code qu’il faut maîtriser pour pouvoir entendre et écouter. Entendre dans les rapports sociaux, c’est s’entendre, c’est pouvoirse comprendre parce que l’on utilise le même code du bruit. Ce code me permet donc d’être à la fois émetteur et récepteur et constitue la base même des rapports que j’entretiens avec autrui. Le bruit est un indicateur, il informe, il faut donc pouvoir le connaître, donc se l’approprier, pour l’évaluer et l’identifier.

C’est parce que je connais et que je me suis approprié l’environnement sonore de mon quartier que je peux m’y situer et me repérer, voire même, évaluer un éventuel danger. Cette évaluation et cette identification sont culturelles mais aussi personnelles, elles font appel à la mémoire collective ou individuelle, elles mobilisent l’esprit.

Le rapport à l’autre

Lorsque l’on parle de bruit et de gêne causée par le bruit c’est toujours l’Autre qui est en cause, le bruit qui me gêne est, dans la grande majorité des cas, celui auquel je ne participe pas.

Le bruit que je fais ne me gêne pas puisque j’ai la possibilité de le contrôler et de le gérer.Par contre le bruit des autres, surtout s’il se manifeste par surprise, me gêne parce qu’il perturbe l’équilibre sonore que je me suis créé, il m’empêche d’entendre mes propres bruits, donc de m’entendre vivre.

La promiscuité joue un rôle très important dans ce phénomène, les problèmes de voisinage causés par le bruit en sont un exemple manifeste. C’est par le bruit que l’Autre pénètre l’intimité et l’univers de mon foyer, il manifeste sa présence – même si ce n’est pas de manière intentionnelle – dans un espace qui est le mien et dans lequel il n’a pas été invité.

Ainsi chacun, tour à tour, est à la fois victime et auteur du bruit, victime du bruit de l’Autre qui le gêne et auteur du bruit  qui gêne l’autre.

L’éducation à l’environnement sonore

La lutte contre le bruit – encore que l’expression est discutable! – est dépendante de nombreux facteurs techniques : isolation acoustique des habitations, amélioration du réseau routier… mais elle dépend aussi et heureusement de la volonté et de la responsabilité de chaque citoyen. Dans les actions que nous menons en terme d’éducation à l’environnement sonore, nous ne parlons pas de lutte contre le bruit mais plutôt de maîtrise et de gestion du bruit, le sien et celui des autres.

Développer et affiner son ouïe; connaître, reconnaître, identifier et évaluer son environnement sonore; se créer des repères; aborder la question du respect de soi et du respect d’autrui… sont les objectifs que nous nous sommes fixés mais surtout nous nous employons à inviter les petits et les grands à apprendre – ou à réapprendre – à entendre et à écouter, en fait à appréhender le monde pour s’y sentir bien.

Peggy Dubois avec l’aimable participation de Jacques Patris

Article paru dans la revue «Place du Rivage» consacrée à l’environnement sonore, ainsi que dans la revue Symbioses n°60, consacrée au même thème

Des représentations différentes
En règle générale, l’environnement sonore est associé au terme de bruit, de vacarme. En effet, personne ne viendra se plaindre d’entendre le chant des oiseaux, le ruissellement d’une rivière… D’ailleurs, lorsqu’on demande à une personne ce qu’elle entend par environnement sonore, les représentations citées ci-dessus ne sont énoncées qu’en dernier. Pourquoi associe-t-on l’environnement sonore au bruit? Peut-être parce qu’il n’y a que quand il nous gêne que nous lui accordons de l’importance. Pourquoi le bruit est-il gênant? Tout simplement parce qu’il perturbe nos activités. Prenons comme exemple deux colocataires: la première travaille, la seconde écoute de la musique. La personne qui écoute la musique ne la perçoit pas de manière négative, par contre l’autre la ressent comme une agression à sa réflexion. Elle travaille, elle a besoin de se concentrer donc la musique la gêne. À un autre moment, elle l’aurait peut-être perçue autrement. Dans ce cas, nous voyons bien que le bruit est non seulement une représentation personnelle, mais qu’elle varie également suivant l’activité entreprise. De plus, on est beaucoup moins gêné par son propre bruit que par le bruit du voisin. Mettez deux personnes dans une même pièce, chaque personne sera gênée par le bruit que fait son voisin et non par le sien: le tapotement du crayon sur le bureau, la personne qui sifflote… Même si peu de temps après, nous faisons exactement le même «bruit». Le bruit est donc gênant à différents degrés suivant les personnes et les activités qu’elles sont en train de réaliser. Mais il faut se souvenir que le silence absolu est tout aussi insupportable. En effet, une personne seule dans une pièce extrêmement silencieuse, cherchera à faire du bruit pour se rassurer, en mettant un fond musical, en sifflotant ou même en se parlant à haute voix. De plus, le bruit est subjectif. Ce que j’appelle bruit ne le sera peut-être pas pour une autre personne. Tout dépend de son vécu, de sa culture… Prenons la musique techno comme exemple: pour une personne, c’est de la musique; pour une autre ce n’est qu’une succession de bruits, incompréhensible et incohérente. La représentation de l’environnement sonore varie également en fonction de la culture ou encore en fonction de l’histoire personnelle. Une personne habitant dans un appartement aura pris l’habitude de gérer son environnement sonore, contrairement à une personne habitant dans une maison qui ne prend pas toujours conscience de l’environnement sonore de son voisin. Toutes ces représentations démontrent que la perception de l’environnement sonore varie énormément d’une personne à l’autre. L’éducation à l’environnement sonore pourrait être à la fois une éducation à l’écoute et une éducation à la tolérance, basée sur la découverte de la subjectivité de nos perceptions.

Sylvie Solignat
Article paru dans la revue «Place du Rivage» consacrée à l’environnement sonore, ainsi que dans la revue Symbioses n°60, consacrée au même thème

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