Et si on redevenait coopérateurs pour de vrai ?Clés pour comprendre

11 mars 2013

Rendus méfiants par les comportements avides et irresponsables des institutions financières, bon nombre de citoyens rêvent de trouver une banque qui leur offrirait un service complet tout en répondant aux critères sociaux, économiques et éthiques qu’ils sont en droit d’attendre. Pourquoi pas alors relancer une banque coopérative ? C’est le projet d’une série d’organisations, qui se sont associées pour fonder une structure coopérative capable d’accueillir prochainement un nouveau service bancaire.

Depuis la rédaction de cet article, la nouvelle banque coopérative belge a fait son apparition sous le nom de « NewB ». Vous trouverez toutes les infos concrètes (fonctionnement, comment devenir coopérateur, etc.) sur le site www.newb.coop
Il est désormais possible pour tous de participer à ce projet de banque alternative!

Une banque coopérative n’est certes pas une nouveauté en Belgique. Pas plus que les banques publiques d’ailleurs. Notre pays a connu, jusque dans les années ’90 un paysage bancaire diversifié où, à côté des banques commerciales privées coexistaient quatre instituts publics et plusieurs coopératives. Ensemble, le secteur public et coopératif constituaient même une majorité.

Pour rappel, les quatre instituts publics de crédit étaient la Caisse générale d’épargne et de retraite (CGER), le Crédit communal, le Crédit à l’industrie et la Banque de la Poste. Chacune avait une “niche”, une spécialisation : la CGER dans le crédit hypothécaire, le Crédit communal dans le crédit aux collectivités locales… Du côté des banques coopératives, on trouve la Bacob, Cera, Argenta, le Crédit agricole, VDK, ou encore Triodos…

Aujourd’hui le secteur public bancaire a disparu et la capitalisation publique de Belfius n’annonce pas un renouveau. Le secteur coopératif a connu de profondes transformations. Aussi, avant de se prendre à rêver d’une banque coopérative au 21e siècle, il est légitime de s’interroger sur ce qui a pu causer la disparition ou la refonte, tant des banques publiques que des coopératives.

Quand la finance devient la nouvelle pierre philosophale

Pour Bernard Bayot, directeur du Réseau Financement alternatif (RFA) et l’un des acteurs du projet actuel “New Bank”, plusieurs facteurs sont à prendre en compte.

Le premier est d’ordre législatif : “Une série de directives européennes, dont la première date des années ’70, ont progressivement conduit les banques à s’insérer dans un même moule, celui de la banque commerciale classique”. L’objectif de l’Union européenne étant la création d’un marché unique où les opérateurs sont en concurrence, il s’agissait de gommer les différences entre ceux-ci. “De ce fait, les banques avec un statut un peu particulier comme les banques postales, les Crédit Union, ou encore les banques publiques ont été poussées à estomper ces particularités”.

Deuxième facteur, concurrence oblige, il a fallu tenir compte de l’évolution de la clientèle : une majorité de la population a vu son niveau de vie s’élever durant les 30 Glorieuses. Les clients des banques coopératives ou publiques ont alors intéressé les institutions commerciales. Dans la foulée, les secteurs coopératif et public ont adopté une ligne plus commerciale pour garder leur clientèle et pour se développer.

Bernard Bayot pointe également la dimension culturelle. La période du néolibéralisme triomphant marque de son empreinte les mentalités. “On n’est pas loin alors de regarder la finance comme la panacée, une sorte de nouvelle “pierre philosophale”, comme si la finance était capable de créer la richesse par elle-même, alors qu’en réalité elle ne fait que transférer la richesse d’un côté à un autre”. Mais l’illusion est forte et le secteur financier prend au fil des années une part de plus en plus grande dans le PIB et devient un sujet sacré pour beaucoup, y compris dans le monde politique et social.

Cette sorte de nouvelle croyance facilite la déréglementation du secteur, et c’est là un quatrième facteur d’évolution du monde bancaire. Il s’agit de simplifier mais aussi de mettre fin à la séparation existant depuis les années ’30 entre les banques de dépôt et les banques d’affaires (voir aussi article en page 7). “Non seulement on a cessé de distinguer ces métiers mais on a aussi permis aux banques d’ajouter à leurs activités celles des assurances. C’est le modèle de la banque universelle, qui va générer, en période de croissance, des revenus considérables”. On parle en effet de retours sur investissements qui vont de 15 à 25% ! Une telle distorsion entre ces profits, obtenus par la spéculation, et ceux de l’économie réelle, crée évidemment une bulle financière (une entreprise à cette époque peut atteindre, au grand maximum, une croissance de 8%). Résultat : dès les années ’80, les crises commencent à se succéder. “Il faut bien noter qu’à partir des années ’30 et durant toute la période où il y a obligation de séparation des métiers, plus aucune crise financière n’avait été observée !”.

Mise en concurrence, évolution du pouvoir d’achat, pensée unique et déréglementations : autant de facteurs d’évolution du monde bancaire qui s’entrelacent et interagissent.

Si aujourd’hui, certains responsables politiques, tel Philippe Maystadt, reconnaissent que ce fut une erreur de déréguler ; à l’époque où elle a eu lieu, personne n’a contesté cette déréglementation. Preuve d’une contagion culturelle massive. Elle a également atteint les milieux sociaux, ce qui signe la fin d’un véritable modèle coopératif. Partout, on adopte des pratiques commerciales et spéculatives.

Quant aux banques publiques, note encore Bernard Bayot, le gouvernement de M. Dehaene, à l’époque, cherche par tous les moyens à réduire la dette, et vendre les “bijoux de famille”, dont les instituts publics de crédit, est l’un de ces moyens.”.

Bilan : une transformation profonde du paysage bancaire, animé essentiellement par le modèle unique de la banque universelle, jugé intouchable. Jusqu’à la crise de 2008 !

La crise a fait naître un sursaut citoyen

Maintenant que nous avons quelques indications sur ce qui a poussé les banques coopératives à “jouer dans la cour des grands” et y perdre leur âme, on peut se poser la question : les temps ont-ils changé de sorte qu’on peut envisager une relance de ce modèle alternatif ?

Pour Bernard Bayot du RFA, la réponse est oui. Selon lui, deux éléments jouent en faveur de l’alternative : D’abord le temps : “Il a fallu moins de 25 ans pour que le paysage bancaire s’oriente vers le modèle commercial. Or il n’y a pas de fatalité. On peut donc raisonnablement espérer renverser la vapeur”. Ensuite, le modèle commercial a clairement montré ses limites : “Trois des quatre plus grandes banques belges n’auraient pas survécu à la crise de 2008, sans l’intervention publique, c’est énorme ! Les grandes banques sont des colosses aux pieds d’argile”. Si un modèle se montre fragile, il apparaît plus évident qu’il y a nécessité d’en inventer d’autres. Et un effet collatéral bénéfique à la crise de 2008 se trouve précisément dans la volonté citoyenne croissante de comprendre ce qui se passe dans la finance et d’en débattre. D’autant que la crise n’est sans doute pas terminée et que les timides efforts de régulation restent très insuffisants. Il y a donc une véritable attente pour un modèle bancaire alternatif.

Or de son côté, le gouvernement fédéral ne manifeste aucune intention de relancer un véritable modèle de banque publique. Certes il y a des capitaux publics dans Belfius, mais pas de projet spécifique et il est plutôt question de revendre l’affaire dès qu’on pourra en obtenir un prix convenable. “Il n’y a pas de soutien politique dans les grands partis en Belgique, pour la relance d’une banque publique” observe le directeur du RFA.

Vers un New Bank

Ces constats, ainsi que la conviction de l’utilité d’une alternative, ont motivé une cinquantaine d’acteurs sociaux (1) – ONG, syndicats entre autres – à fonder une structure coopérative qui a vu le jour il y a 18 mois environ. La création de cette coopérative, encore vide d’activités, a permis aux partenaires de définir les bases, les conditions et les limites d’une future activité bancaire, de telle manière à ne pas répéter les erreurs du passé.

Il y a tout d’abord des garde-fous propres au modèle coopératif, par exemple : limitation des dividendes à 6% ; seuil du nombre de parts par personne ; principe d’un homme = une voix… Mais d’autres critères spécifiques conditionneront aussi le service bancaire. “D’abord il s’agirait d’une banque qui exercerait exclusivement ses métiers de base (collecte des dépôts et prêts). Ensuite, cette banque investirait uniquement dans l’activité locale. En outre, puisqu’elle appartient à ses clients, elle exercerait elle-même son métier (pas question de revenir au système de holding (2))”. La New Bank, puisque c’est le nom du futur bébé, devra également respecter l’intérêt général et répondre à des critères durables : l’impact de ses activités sur l’humain et sur l’environnement sera évalué. Elle devra être inclusive, c’est-à-dire veiller à ne pas écarter des catégories de personnes, de statuts ou de revenus.

Enfin, les associations partenaires n’ont pas l’intention d’accoucher d’un souriceau : “New Bank devra prendre une place significative sur le marché belge et y peser son poids. L’ambition est clairement de permettre à une clientèle large de particuliers et d’entreprises d’accéder à tous les services que l’on est légitimement en droit d’attendre d’une banque dans ses métiers de base”.

Ce modèle, les associations porteuses sont convaincues qu’il est aujourd’hui redevenu possible de le concrétiser. Même si tout le monde ne s’interroge pas tous azimuts sur le sens du profit, un public large peut être intéressé par un projet comme New Bank : “Le Belge moyen n’est pas un boursicoteur dans l’âme, note Bernard Bayot. Il n’y a qu’à regarder l’évolution historique du niveau d’épargne dans notre pays. Les gens ont aujourd’hui d’abord besoin de sécurité, de simplicité et de transparence”. C’est en tout cas ce qui ressort de l’étude de marché que les partenaires ont commanditée en prélude au lancement du projet.

C’est aussi ce que les associations partenaires de la future New Bank entendent garantir.

Un peu de patience s’impose, car un tel projet ne peut évidemment pas sortir des limbes en quelques mois.

Un article de Christine Steinbach, paru dans la revue Contrastes de Équipes Populaires, « Banques, ça plane pour qui?« , numéro de novembre-décembre 2012

1. Parmi lesquels, outre le RFA, la FGTB, la CNE et d’autres centrales de la CSC, la CGSLB, Greenpeace, Inter-Environnement Wallonie et Bruxelles, SAW-B (économie sociale)…

2. Comme c’est le cas pour la KBC, une société anonyme cotée en bourse, mais détenue en grande partie par CERA qui est une coopérative.

4 commentaires sur “Et si on redevenait coopérateurs pour de vrai ?”

  1. Céline dit :

    C’est étonnant, vous devriez avoir reçu des mails de confirmation… Contactez-les: http://www.newb.coop/contact.aspx

  2. claude ghislain dit :

    Inscrits depuis le 28 mars comme coopérateurs laissé coordonnèes et n° carte de banque comme demmandé sur le site http://www.newb.coop a la date du 4 avril aucune confirmation de l’inscription a cette nouvelle banque ???

  3. Céline dit :

    Vous trouverez toutes les informations utiles sur http://www.newb.coop

  4. claude ghislain dit :

    Comment dois t’on faire pour devenir coopérateurs ou s’inscrire et a partir de quelle date .