Allier formation professionnelle et scolarisation des jeunesReportages

25 avril 2014

À Ouagadougou au Burkina Faso, Le Baobab – une association agissant notamment pour la promotion de l’agroécologie – s’est donné pour mission de réinsérer les jeunes dans l’activité économique de leur village grâce à une formation mixte : alphabétisation en langues française et locale ainsi que formation pratique au maraîchage biologique. Rencontre avec Fulgence Yameogo, coordinateur de l’association Le Baobab.

Comment a débuté le projet ? Quels en sont les objectifs ?
Nous avons fait le constat que dans le village de Villy, les enfants abandonnent très tôt l’école pour des activités économiques. Certains se lancent dans le petit commerce, d’autres vont vers les centres urbains ou même dans les pays voisins. Scolariser son enfant n’est pas une habitude dans ce village qui a eu sa première école dans les années 80.
Les adolescents en échec scolaire, pour la plupart, partent du village car ils ne sont pas prêts à exercer le métier de leurs parents (agriculture et élevage). Ils privent ainsi leur famille de leur capacité de travail et vont grossir la masse des chômeurs urbains. C’est de là qu’est née l’idée de ces centres d’alphabétisation et de formation pour des adolescents. La formation prend en compte les déscolarisés ou non scolarisés, ceux qui n’ont plus l’âge de poursuivre dans l’enseignement classique (de 9 à 15 ans). Cette formation est basée sur la culture des apprenants. Elle est bilingue (la langue locale, le « mooré », et le français) et dure cinq ans. Les deux premières années, l’accent est mis sur le mooré et le calcul. Les années suivantes, le mooré fait progressivement place au français.
La formation allie théorie et pratique. Au niveau pratique, la matière de base est l’agroécologie, suivie de métiers comme la couture, la maçonnerie, la menuiserie. Au bout de cinq ans, les jeunes auront la possibilité de passer le certificat d’études primaires (CEP) (au lieu de six ans dans le cursus classique). Les plus jeunes pourront poursuivre leurs études dans un collège et les plus âgés pourront se perfectionner auprès d’un professionnel ou s’installer à leur compte.

Où en êtes-vous actuellement ?
À ce jour, deux centres ont ouvert et accueillent 80 élèves. Le premier existe depuis quatre ans ; le second en est à sa deuxième année. Mais ils ont déjà engrangé des résultats satisfaisants. Les apprenants parlent le français, lisent et écrivent dans les deux langues d’apprentissage. Ils sont aussi initiés à des métiers, ce qui les met en avance par rapport aux autres de leur âge.
En plus, ces jeunes produisent des plants qu’ils revendent en saison pluvieuse pour les campagnes de reboisement. Ils produisent également des légumes pour leur cantine et développent chacun un petit élevage d’ovins ou de volailles.
Ces centres connaissent un engouement auprès de la communauté du fait qu’ils sont adaptés aux réalités de la population. Dans le cadre de leur apprentissage, les élèves développent déjà des activités dans le domaine agricole avec leurs parents. Au niveau étatique, il s’agit d’une contribution à la diversification de l’offre éducative et à l’augmentation du taux de scolarisation. Ces centres sont reconnus et bénéficient du suivi de la direction provinciale de l’éducation au même titre que les écoles classiques.

Le fait de donner cours en langue locale est-il un atout pour les jeunes ?
Donner cours en langue locale est un grand atout pour nous dans la mesure où il y a une meilleure assimilation. Lorsque l’enfant est obligé d’apprendre en même temps le français et le contenu du cours, c’est parfois rébarbatif pour ceux qui n’ont eu contact avec cette langue qu’à leur premier jour de classe. Mais quand on débute par sa langue maternelle, l’enfant garde ses marques. Imaginons un élève qui arrive à l’école la première fois et entend son enseignant parler la langue qu’il comprend déjà, il est mis en confiance et cela les rapproche. L’assimilation est donc plus aisée dans ces conditions.

Ce projet a-t-il eu un impact positif sur le regard des jeunes par rapport à l’agroécologie ?
Dans certaines situations la rhétorique revient souvent : « si tu échoues à l’école, tu retourneras à la terre ». Cette formation vient comme une solution à la revalorisation du travail de la terre. Aujourd’hui, ces jeunes sont conscients que l’agriculture est la base de l’économie de ce pays. La préservation du sol et des techniques ancestrales représentent une garantie pour sa survie. Les séances pratiques sont les plus appréciées ; les élèvent répercutent leurs apprentissages auprès de leurs parents.

On imagine que le travail reste vaste dans le domaine de l’alphabétisation et de la formation des jeunes. Quels sont vos futurs objectifs ou projets à ce propos ?
Il y a une forte fréquentation de ces centres car ils répondent aux besoins de la population. Nous comptons ouvrir de nouvelles classes pour répondre à la forte demande à Villy et même reproduire cette expérience dans d’autres villages. À la fin de la formation, nous souhaitons accompagner ces jeunes à travers des stages de perfectionnement. Par la suite, ils seront accompagnés pour leurs premiers pas dans le monde professionnel, notamment pour l’obtention de prêt permettant de favoriser le lancement d’une activité professionnelle.

Propos recueillis par Benoit Naveau
Extrait du journal Terre n°140 (printemps 2013), « Les Jeunes, nouvelle sève de l’ESS… », édité par le groupe Terre

Le commentaires sont fermés.