Il faut re-localiser notre alimentation!Clés pour comprendre

22 février 2010

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Rencontre avec Daniel Cauchy, consultant et formateur en éducation au développement et à la sensibilisation à la souveraineté alimentaire. Également membre actif des associations Rencontre des Continents, Quinoa et Nature & Progrès. Il décortique l’assiette du Belge et nous livre quelques conseils pour une alimentation « re-localisée ».

Comment décririez-vous l’assiette belge?

Notre assiette est variée comme elle ne l’a jamais été, mais d’une variété alimentée par le monde entier, et donc extrêmement délocalisée. Il faut savoir que 60% de nos fruits et légumes viennent de très loin. Ce modèle alimentaire fait de nous d’extraordinaires consommateurs d‘énergie fossile, et malheureusement, les gens ne se rendent pas toujours compte des litres de pétrole qu’il y a derrière une pizza surgelée à 3 euros .

Cela fait partie du modèle alimentaire industriel en général…

Oui, notre modèle alimentaire tend à s’universaliser. La tendance moderne est de créer un modèle industriel qui va envahir à peu près tout. Outre la destruction de toute forme d’artisanat, ce modèle induit une pollution générale de la chaîne alimentaire. Ce qui rend notre alimentation de plus en plus pauvre nutritionnellement, mais de plus en plus riche en produits chimiques (substances cancérigènes, neurotoxiques, etc.). Si bien que les biologistes sont de plus en plus effrayés et se demandent d’où vient ce taux de 1% en plus de cancer chez les enfants en bas âge, et celui de 1,5% de cancer en plus chez les adolescents.

Notre surconsommation de viande pose également problème…

En effet, nous ne pouvons plus continuer à manger autant de viande. Il faut savoir qu’environ 2/3 des terres wallonnes sont consacrées à la nourriture pour le bétail. Malgré cela, ce n’est pas encore suffisant. Il faut savoir que notre surconsommation n’est rendue possible que parce l’Europe compte environ sept fois sa superficie agricole dans le Sud, pour importer du soja, du blé, du sorgo, du manioc déstinés à nourrir ses vaches, ses cochons, etc. Alors que ces terres pourraient être utilisées pour nourrir les populations locales, ce qui rend l’empreinte sociale tout à fait épouvantable. À titre d’exemple, un Américain – gros consommateur de viande – à besoin pour se nourrir d’environ un hectare. Un Thaïlandais, de sept ares!

Dès lors, comment améliorer notre alimentation, tout en limitant notre impact environnemental et social?

Selon moi, en partant de l’assiette habituelle, telle qu’elle est consommée par le Belge, il faudrait tout changer! Basculer vers un modèle alimentaire qui équilibrerait le repas autrement.

Il est primordial de re-localiser notre alimentation. Le consommateur doit chercher autant que possible le produit fermier, local, « bio ». Recréer un tissu social avec le producteur, et surtout, ne plus aller chercher au Kenya ou ailleurs, ce qu’il peut trouver ici, dans la proximité. Car si nous voulons encore avoir des agriculteurs, des maraîchers, des artisans bouchers et boulangers, c’est vers le circuit court qu’il faut se rediriger. Acheter son pain dans une grande surface, pain dont le pâton est amené de Roumanie par camion frigo, n’aide pas le boulanger du coin!

Qu’en est-il de la culture alimentaire belge?

Selon moi, la façon dont nous mangeons ne relève plus vraiment d’une culture familiale ou régionale. Certes, on ne mange pas de la même manière dans le Périgord qu’à Londres, mais l’assiette telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui par les moins de 40 ans, relève plutôt de la culture de la pizza, du « fast-food », des plats tout préparés. D’une culture industrielle donc, qui n’a rien à voir avec la cuisine traditionnelle wallonne.

De plus, très jeune, l’enfant passe son temps devant la télévision, bombardé de messages publicitaires qui valorisent certains types d’aliments, et dévalorisent certains autres, ce qui crée un glissement vers les produits industriels. Essayez de faire manger des légumes ou des fromages traditionnels, locaux aux enfants. Leur culture est d’avantage celle du « Babybel » que du « Petit Fleurit » de la ferme de Méan! Certaines régions arrivent cependant à mieux résister que d’autres au modèle industriel. C’est notamment le cas de l’Italie, qui d’un point de vue gastronomique, artisanal et culinaire résiste visiblement beaucoup mieux que la Hollande par exemple.

En est-il de même pour les populations immigrées?

L’ancrage culturel alimentaire y est plus fort. Chez l’épicier marocain par exemple, les produits vendus ont une réelle empreinte culturelle. Tandis que dans nos supermarchés, l’espace réservé aux plats tout préparés, venant parfois du bout du monde, occupe une place tout aussi importante, concurrençant les aliments de base, qui serviront eux, à une cuisine « traditionnelle».

Pensez-vous que la formation de nos cuisiniers, bouchers et agriculteurs intègre suffisamment l’impact environnemental et social de notre assiette?

Absolument pas! Tout comme l’importance des saisons et du manger local. J’ai même entendu dire que des bouchers étaient perdus avec des bêtes « bio », du fait de leurs textures musculaires tout à fait différentes! Comme quoi, il y a encore du boulot!

En savoir plus :

  • Le site de Nature et Progrès
  • Bruno Parmentier, « Nourrir l’humanité », La découverte 2007

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