Lutter contre la faim, un combat politiqueClés pour comprendre

6 août 2010

Dans sa lutte contre la faim, le rapporteur de l’ONU pour le droit à l’alimentation, le Belge Olivier De Schutter, plaide pour un changement de cap en matière de production alimentaire et une réelle volonté politique. Extraits d’interviews*.

Un milliard de personnes touchées par la famine dans le monde, dont la moitié sont des petits paysans

« La famine n’est pas juste un problème technique lié à une production insuffisante de nourriture par rapport à la demande. Il y a assez de nourriture dans le monde, mais les populations n’ont pas le pouvoir d’achat nécessaire pour l’acheter. Et ça, c’est un problème politique. »

Petits producteurs et pauvres consommateurs perdants, grands exploitants et puissants intermédiaires gagnants

« La chaîne de production et de distribution alimentaire compte un grand nombre d’acteurs. Aux bouts de la chaîne, il y a des acteurs très vulnérables… Les petits paysans et les consommateurs pauvres sont les plus marginalisés. Mais dans la chaîne il y a aussi des grands acteurs, qui déterminent leur politique de prix, leur politique d’achat, leur politique de vente et sur lesquels les contrôles sont très faibles, voire inexistants. » « Ne commettons pas l’erreur de croire que le problème de la faim vient de l’évolution des prix sur les marchés internationaux. Le petit paysan vend sa récolte à des intermédiaires, qui sont les uniques acheteurs auxquels il peut céder sa récolte. Les prix peuvent monter sur les marchés internationaux, sans pour autant que les revenus du petit paysan augmentent. » « Inversement, la baisse des prix sur les marchés internationaux n’est pas répercutée au bout de la chaîne, auprès des consommateurs, dans les épiceries, dans les supermarchés, sur les marchés locaux. » « Les prix ne sont pas la résultante de l’offre et de la demande, ils découlent d’un marchandage très inégal. »

Des méthodes industrielles qui menacent les petits paysans et l’environnement

« L’agriculture industrielle épuise les terres et consomme énormément d’énergie. Le pétrole intervient dans la production des engrais et des pesticides. Il fait tourner les tracteurs et les véhicules de transport. Le prix de l’or noir colle aux prix alimentaires. Les exploitations sont concentrées et en monoculture. C’est une agriculture dépensière en eau et en produits chimiques. On pollue les nappes phréatiques, on fragilise le petit producteur en lui vendant cher des semences améliorées. Une mauvaise récolte et il est ruiné. En outre, il perd son savoir ancestral. Avant, les paysans s’échangeaient des semences. » « Si on favorise des méthodes de productions agro-industrielles qui renforcent la concentration du pouvoir économique entre les mains d’un petit nombre de grands exploitants, les petits paysans seront davantage encore marginalisés. »

Production alimentaire, la nécessité d’un changement de cap

« L’agriculture ne sert pas seulement à produire de la nourriture, elle sert aussi à garantir des revenus aux populations qui en dépendent. Dans les pays en développement, 90% de la population en dépend. Il faut par conséquent des politiques agricoles, qui permettent d’augmenter les revenus des paysans les plus pauvres, par des politiques qui soient appropriées pour ce type de culture familiale à petite échelle. » « Trop souvent on est parti du préjugé que seule l’agriculture agro-industrielle à grande échelle pouvait être suffisamment productive. On a confondu en réalité la profitabilité de l’agriculture pour les grands exploitants agricoles avec la productivité à l’hectare qui est très importante pour l’agriculture de type familiale. Les méthodes de production agroécologiques ont parfois une productivité à l’hectare considérable et bien meilleure que celle dans l’agro-industriel, qui dépend notamment du prix du pétrole (utilisation d’engrais, mécanisation…). »

L’indispensable volonté politique

« Il faut regarder la faim, non pas comme le résultat d’une mauvaise météo, de mauvaises récoltes, mais comme le résultat de choix politiques qu’on peut changer. » « Je vais vers les décideurs, discute avec eux entre quatre yeux, essaie de comprendre leurs objections et tente de trouver un scénario qui permette de les surmonter. Il ne suffit pas de hurler, il faut aussi de la pédagogie : les gouvernements eux-mêmes sous-estiment les leviers qu’ils ont entre les mains. »

L’action de l’opinion publique

« La mobilisation de l’opinion publique est à renforcer. Cette question de la faim rencontre des difficultés à percoler, car elle est vue comme lointaine, ne nous concernant pas – contrairement au changement climatique aujourd’hui. Il faut faire prendre conscience qu’un monde qui accroît les inégalités n’est pas soutenable. »

* Pour cause d’agenda saturé, Olivier De Schutter n’a pu nous accorder une interview. Compilés par Céline Teret, ces extraits d’interviews sont issus de différentes sources :
- « Lanceurs d’alerte! », Imagine n°75 sept-oct 2009
- « Olivier, le grand Rapporteur », Le Ligueur 21/10/2009
- Emission « Matin Première » sur La Première RTBF 03/08/2009
- « De Schutter et Ziegler critiquent la FAO », Le Devoir.com 7/06/2008
- « Contre la famine, la baisse des prix ne suffit pas », Le Devoir.com, 3/11/2008

Article initialement publié dans l’Infor’IDée (n°2/2010), bulletin de liaison des membres effectifs du Réseau IDée

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Un commentaire sur “Lutter contre la faim, un combat politique”

  1. pierre delagrange dit :

    bonjour
    voila moi je suis le président d’une association qui est ok avec vous et voila pourquoi déjà je mis sur pied un projet pour apporter mon soutien a mon niveau,créer une plantation pour produire plus et j’ai besoin de partenaire si cela vous dit je suis a votre disposition