Des volontaires soignent les arbres remarquablesFocusReportages

16 mai 2012

A Quito, capitale de l’Equateur en Amérique du Sud, un agronome a entrepris de restaurer les arbres remarquables à titre bénévole. Avec une petite équipe, il repère les individus les plus majestueux, écrit leur histoire, puis leur prodigue les soins indispensables à leur survie.

« Les arbres parlent, s’enflamme Carlos Penagos. J’en connais un à Quito qui porte encore les impacts de balles tirées durant les émeutes de 1917. » Ce permaculteur a fait du conseil aux paysans son métier et de la sauvegarde des arbres remarquables son engagement (1). Et à Quito, la capitale de l’Equateur, ville en plein boom immobilier et saturée de voiture, les arbres manquent cruellement de soins. Avec une équipe de trois à huit autres bénévoles, Carlos Penagos arpente la ville, repère les plus beaux arbres pour ensuite les soigner. En vérité, c’est un travail de fourmi. « Il doit y avoir à Quito quelque 2 000 arbres patrimoniaux selon la définition de la Société internationale d’arboriculture : ils sont centenaires, importants aux yeux des riverains et monumentaux, se dressant jusqu’à 60 mètres de haut. Pour qu’ils m’intéressent, j’ai ajouté un autre critère : ils doivent être en mauvais état, ce qui est le cas de la majorité des arbres de la ville. »

Elixir

En cinq ans, Carlos a répertorié 800 arbres et remis 160 d’entre eux en forme. Chaque intervention est précédée d’une minutieuse enquête suivie d’un moment de bravoure, quand il faut escalader l’arbre pour l’élaguer. Lorsqu’un arbre a retenu son attention, Carlos examine sa localisation et son essence, estime son âge. Il fait ensuite une enquête de voisinage pour récolter le savoir et les représentations qui entourent l’arbre. Un moment souvent intéressant. « J’ai investigué sur un araucaria, se souvient-il, situé derrière le Centre culturel métropolitain, l’un des principaux musées de la ville. Le Centre est vieux de 400 ans, l’arbre doit avoir le même âge. Une dame de 80 ans m’a affirmé que cet arbre était déjà monumental quand elle était gamine. » Parfois, Carlos pousse ses enquêtes jusqu’aux archives communales pour retrouver de vieilles photos de ses protégés.

Ce travail bouclé, vient le moment des soins. Certains arbres doivent être élagués, beaucoup ont été incisés par des couples désireux d’immortaliser leur amour. Tous ont reçu des coups qui ont laissé des plaies béantes, lesquelles se couvrent de champignons. Aussi Carlos Penagos pulvérise systématiquement un produit de sa fabrication, une recette qu’il tient d’un autre permaculteur, issu de la macération d’une plante sauvage, la cola de caballo (la queue de cheval). Il faut 120 litres de cet élixir pour traiter un arbre, un volume conséquent qui se prépare à l’avance… et prend de la place. Christel, son épouse belge, s’est habituée à voir des dizaines de barils prendre le soleil dans le jardin familial. « C’est pour la bonne cause, lance-t-elle. Et puis il faut faire les choses jusqu’au bout. »

Timide apparition

Après les soins et la taille de l’arbre, vient le moment de la récompense. Carlos escalade le tronc, puis déploie une grande banderole qui proclame « Arbre protégé ». Pourquoi rester discret quand on veille sur le patrimoine commun d’une ville d’un bon million d’habitants ? Pour compléter le battage, l’arboriculteur volontaire lance des appels à la radio : « Si vous connaissez un arbre remarquable près de chez vous qui doit être soigné, appelez-moi. Depuis, le téléphone n’arrête pas de sonner. » Et les bailleurs de fonds amorcent une timide apparition. La commune a versé 10 000 dollars. Un généreux mécène, le double. La coopération belge a fourni un vélo, un gps et un appareil photo pour faciliter l’inventaire des arbres, et a financé une formation à l’entretien des arbres destinée aux ouvriers communaux. « La commune commence à bouger, poursuit Carlos, mais lentement et parfois sans imagination. La ville compte de nombreux palmiers de Quito. Ils sont très populaires, car leurs fruits sont comestibles. C’est aussi leur drame, car les gens les escaladent pour en cueillir les fruits, faisant au passage de nombreux dégâts. Moi, je dis à la ville : “Cueillez les fruits proprement et distribuez-les”, cela épargnera les arbres. La municipalité a refusé. »

Carlos s’est encore indigné lorsque l’observatoire astrologique installé dans le parc central de Quito a fait raser les plus vieux arbres pour dégager la vue. « Les choses vont cependant mieux, conclut l’agronome. Depuis que le pays a inscrit le droit de la nature dans sa constitution, il a cessé de brader ses espaces verts à des firmes privées. Et on voit les autorités commencer à faire des efforts de préservation du patrimoine existant. »

(1) La permaculture, ou culture permanente, s’attache à inventer une agriculture soutenable qui s’intègre aux écosystèmes et ajoute un supplément éthique aux sociétés humaines.


Jean-François Pollet

Article publié dans Imagine demain le monde (n°90, mars-avril 2012)
Photo : Les soins étant dispensés, une banderole est déployée pour avertir que l’arbre est protégé. © Carlos Penagos

2 commentaires sur “Des volontaires soignent les arbres remarquables”

  1. jai besoin d ‘aide pour soigner mon jeune pommier qui je croit a de la tavelure

  2. www.arbres.fr dit :

    Je voulais simplement vous remercier d’avoir écrit cet article sur Arbres remarquables. J’ai pris du plaisir à le lire. Rüdiger