Le climat au centre des préoccupations du CNCDClés pour comprendre

25 novembre 2012

Depuis l’an passé, le climat est au centre de la campagne du Centre national de coopération au développement (CNCD*). En septembre dernier, 80 000 Belges ont chanté pour le climat et un mois plus tard, la campagne 11.11.11. « Justice climatique » battait son plein. Aujourd’hui, alors que la Conférence de Doha a lieu du 26 novembre au 7 décembre, la coupole exprime ses revendications, mais aussi ses inquiétudes, en raison notamment des incertitudes planant sur l’avenir du Protocole de Kyoto. Entretien avec Arnaud Zacharie, secrétaire général du CNCD.

Depuis Rio (1992), les négociations sur le climat ont été nombreuses: Kyoto en 1997, Marrakech en 2001, Montréal en 2005, Nairobi en 2006, Copenhague en 2009, Cancún en 2010 et Durban en 2011.
En 2015, un accord post Kyoto doit être signé et entrer en vigueur en 2020.


Qu’entendez-vous par « justice climatique » ?

On souhaite dénoncer que les pays les plus pauvres et qui polluent le moins sont les premières et les principales victimes des changements climatiques. Plusieurs rapports du GIEC font d’ailleurs état de la question. Au Sahel, on voit un dérèglement de la saison des pluies. Cette diminution des précipitations entraîne un grave problème d’accès à l’eau pour alimenter la population et irriguer les sols. L’impact sur les rendements agricoles sont importants et les crises alimentaires, de plus en plus graves. Même chose en ce qui concerne les ressources naturelles, il faut trouver un mode d’exploitation qui soit à la fois durable, mais qui puisse aussi bénéficier aux populations locales. Nous voulons souligner ces cercles pervers via notre axe d’approche Nord-Sud. Car nous n’abordons pas les changements climatiques en soi, mais bien leurs impacts sur le terrain. Donc quand on parle de justice climatique, on demande que les pays du Nord paie leur dette historique en termes de dégâts climatiques qu’ils ont provoqués dans les pays du Sud.

Comment avez-vous procédé pour mobiliser le public sur cette question ?

Le fil rouge de notre campagne cette année était le « Sing for the climate » (Chanter pour le climat). On est parti d’une chanson dont a changé les paroles et qu’on a appelé « Do it now ». On a ensuite organisé une « cinémanifestation » chantante, une sorte de manif’-pétition qui utilise le chant et la vidéo comme moyen d’action. Environ 80 000 personnes, des deux côtés de la frontière linguistique, ont chanté pour le climat et ont été filmées pour la réalisation d’une vidéo postée sur Internet. Parallèlement, nous avons réalisé un clip à partir de ce grand rassemblement des 22 et 23 septembre. Il a été monté par le réalisateur belge Nic Balthazar. Nous le diffuserons à Doha lors du sommet et en avant-première, au Parlement belge, le 29 novembre. Ce sera pour nous l’occasion de concrétiser en revendications politiques notre campagne de mobilisation un peu ludique d’avoir fait chanter les gens. D’ailleurs, nous avons déjà rencontré le gouvernement wallon avec l’une des classes qui s’était mobilisée en septembre.

Que demandez-vous à ces parlementaires belges ?

Nous interpellerons ceux qui iront à Doha, en leur exposant nos revendications. Concrètement, le 29 novembre, on leur demandera de signer celles avec lesquelles ils sont d’accord et on observera leur position à Doha. En fonction de ce à quoi ils se seront engagés devant nous, nous les applaudirons ou nous les dénoncerons.

Quelles sont les revendications que le CNCD portera à Doha ?

Nous avons deux revendications principales. Premièrement, c’est la réduction des gaz à effets de serre. Nous demandons un engagement de 40%, à l’échelle mondiale pour 2020. Il faut savoir que les gouvernements ont pris l’engagement politique de ne pas dépasser une élévation de la température de deux degrés, mais quand on regarde les engagements de chacun des pays, le GIEC calcule que l’augmentation de température sera de 3,5 à 6 degrés. Dans ce schéma-là, on entre dans un emballement climatique, tel que décrit par les rapports scientifiques. Il y a une incohérence entre cet engagement à ne pas dépasser deux degrés d’augmentation et ce que fait chacun des pays de son côté. Notre deuxième revendication concerne le Fonds vert de 100 milliards qui a été accepté pour 2020 car on ne dit pas comment il sera financé. Le grand risque serait de substituer des fonds de l’aide au développement actuel pour alimenter ce Fonds vert « climat » et que cet argent soit octroyé sous forme de prêts et non de dons. C’est ce qui est en train de se généraliser avec le fonds « Fast Start » de 30 milliards, pour la période 2010-2012. Sur la table, on remarque qu’il y a majoritairement des prêts et que le secteur privé a davantage été mobilisé.

Pourquoi l’aide au développement ne pourrait-elle pas servir à alimenter ce Fonds vert ?

Ces fonds-là devront êtres additionnels car s’ils sont prélevés de l’aide au développement, cela signifie que des secteurs comme la santé, l’éducation et d’autres vont passer à la trappe.

Quels efforts ont été accomplis ? Et en Belgique ?

On voit bien dans l’état d’avancement que les différents pays ont des résultats contrastés. En 2011, on voit que la moyenne européenne affiche 14% de réduction d’émission de GES depuis 1990. La crise a fait chuter ce taux. Par contre, des pays émettent beaucoup plus que d’autres. Ce résultat reste une moyenne. La Belgique a réduit de 7,5% ses émissions. Mais pour arriver à une réduction de 30% en 2020, il faudrait qu’elle change de « braquet ». Pour les grandes puissances, il y a un dialogue de sourd entre les USA et la Chine depuis plusieurs années. D’une part, les USA n’ont pas voulu participer au Protocole de Kyoto, d’autre part, ils disent que la Chine doit d’abord avancer. De son côté, la Chine accuse les USA d’être les premiers pollueurs et attend qu’ils avancent avant de bouger!

En novembre, Glenis Terase C. Blangue, experte pour le centre de recherche philippin IBON, était de passage en Belgique. Aux côtés du CNCD, d’Intal et de Médecine pour le Tiers Monde, elle est venue présenter la réalité de son pays. «Lorsque les médias parlent des Philippines, c’est pour dire que c’est la zone la plus vulnérable aux changements climatiques; ils s’arrêtent bien souvent à ce constat, explique-t-elle. Aux Philippines, durant les 60 dernières années, la température a augmenté entre 0,36 degrés et 1 degré et les conséquences sur la sécurité alimentaire de mon pays sont énormes.» Près de 250 millions de personnes sont touchées chaque année par les conséquences des changements climatiques

Au-delà des chiffres, quel est l’enjeu depuis Durban ?

Il y a l’objectif de définir un nouveau cadre post-Kyoto car il devait prendre fin en 2012. Lors du sommet de Durban, les gouvernements se sont engagés à trouver un accord post-Kyoto d’ici 2015 qui serait d’application au plus tard en 2020. En attendant, ils ont prolongé le Protocole de Kyoto dans lequel on ne trouve toujours pas les USA, mais duquel se sont également retirés le Japon, la Russie et le Canada. Kyoto était déjà faible et l’accord est devenu encore plus faible puisque les gouvernements sont prêts à attendre jusqu’en 2020.

Organiser le Sommet à Doha, un paradoxe ?

C’est le reflet de notre époque, bourrée de contradictions. Doha a été présenté comme une puissante émergente dans le Moyen-Orient, active dans le printemps arabe ; la coupe du monde y sera organisée en 2022, des conférences en tout genre aussi, dont le sommet sur le climat… À côté de cela, le Qatar est un bel exemple de gaspillage énergétique. Il faudrait faire l’inverse de ce qui est fait dans ce pays, si on veut se sortir de la crise climatique.

* Le CNCD est la coupole de plus de 90 ONG de développement, de syndicats et d’associations d’éducation permanente travaillant sur le thème de la solidarité internationale en communauté française et germanophone en Belgique. Tous les deux ans, ses membres choisissent l’une des « thématiques plaidoyers » sur lesquelles elles travaillent. Cette dernière devient le thème de l’opération 11.11.11 et d’une campagne de sensibilisation à l’éducation au développement.

Interview réalisée par Delphine Denoiseux

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JEUNES – Une pétition pour lutter contre le changement climatique
Une jeune déléguée du Conseil de la Jeunesse sera présente lors du sommet à Doha. Elle présentera la pétition-engagement lancée par le Conseil de la Jeunesse pour lutter contre le réchauffement climatique, afin de faire pression sur les négociateurs. Cet organe officiel d’avis et de représentation des jeunes en Fédération Wallonie-Bruxelles est composé de 50 jeunes élus de 18 à 30 ans.
Infos : 02/413 29 30, conseil.jeunesse@cfwb.be, www.conseilde lajeunesse.be.

Plus d’infos sur la COP 18 sur le site officiel des Nations Unies

Plus d’articles sur le climat sur Mondequibouge

- « Ensemble pour le climat et la solidarité»

- « 15 000 jeunes marcheurs solidaires»

Un commentaire sur “Le climat au centre des préoccupations du CNCD”

  1. Michel Gourd dit :

    L’état critique de la planète vue de Doha
    La Conférence de Doha qui se tient du 26 novembre au 7 décembre montre à la suite de Rio+20 que le réchauffement climatique est la tempête parfaite qui va engloutir notre mode de vie.