Communes belges à la traîneClés pour comprendre

31 octobre 2006

Il y a près de 15 ans que la Belgique s’est engagée à œuvrer pour un développement durable, tant au niveau national que local. Pourtant, les initiatives se font timides en matière d’Agendas 21 locaux…

Rio, 1992. La Belgique s’engage, au même titre que quelque 170 autres pays, à œuvrer concrètement pour parvenir à un équilibre entre protection de l’environnement et croissance économique, tout en luttant contre la pauvreté et les inégalités. Ce programme d’action de développement durable pour le 21è siècle, mieux connu sous le nom d’ « Agenda 21 », invite à agir tant aux niveaux international et national, que dans la sphère locale.

Près de 15 ans plus tard, si dans certains pays européens, tels qu’au Danemark, en Suède, en Italie ou encore en Allemagne (1), les premières démarches semblent porter leurs fruits, les Agendas 21 locaux tardent à éclore en Belgique. Sur 262 communes wallonnes, seules trois ont développé un Plan communal de développement durable ou un Agenda 21 local « au sens strict du terme », c’est-à-dire « en respectant différentes étapes : le diagnostic, la participation, la définition des objectifs, l’évaluation,… », précise Anne Thibaut, d’Inter Environnement Wallonie. La démarche se veut donc globale et planifiée, tout en conservant une certaine souplesse et en s’adaptant aux réalités de chaque commune. Parmi les 19 communes bruxelloises, Etterbeek, Anderlecht et la ville de Bruxelles disposent de leur Agenda 21. Et en Flandre, bien que seule Leuven détienne ce privilège, nombreuses sont les communes ayant développé des initiatives similaires à celle de l’Agenda 21 local. Les communes wallonnes ne font donc pas le poids.

Rôle clé

Les communes jouent pourtant un rôle clé. En tant que niveau de pouvoir local, leurs actions sont palpables au jour le jour. Du ramassage des déchets à l’entretien des rues, en passant par l’aide sociale, la délivrance de papiers administratifs, la gestion d’écoles et l’aide aux crèches et hôpitaux, ce sont les communes qui fixent les règles locales liées à leurs multiples compétences. Elles influent sur ces différents espaces de vie. Les communes ont pour mission de défendre l’intérêt de tous les habitants, ce qui implique inévitablement les trois piliers de base du développement durable (socio-culturel, économique et environnemental).

Les citoyens sont souvent amenés à se rendre à la maison communale ou dans d’autres institutions de leur quartier. Outre la sensibilisation, les communes détiennent donc un rôle crucial : celui de montrer l’exemple en changeant les comportements au sein même de leurs services. Il va de soi que cette besogne ne s’applique pas qu’aux communes, mais également aux instances supérieures, des Régions à l’Autorité fédérale. Une action globale vers un développement durable passe par ces différents niveaux de pouvoir, ce qui souvent tarde encore à être le cas.

Concepts flous, contexte difficile

Pourquoi les Agendas 21 locaux mettent tellement de temps à voir le jour ? L’une des explications réside certainement dans la méconnaissance ou la mécompréhension planant autour du terme de « développement durable ». Sa définition reste soit trop abstraite, soit trop « multiple », puisque plusieurs manières de définir le développement durable sont proposées au public. Il en va de même pour le concept d’« Agenda 21 local » : début 2004, 43% des communes wallonnes n’en avaient jamais entendu parler et 39% n’en avaient entendu parler que rarement (2). Véronique Porot, de l’Institut Eco-Conseil, a participé à la mise en place de l’Agenda 21 local d’Etterbeek. « Agenda 21 local est un mot nouveau et abstrait », explique-t-elle. « Parler de vélo ou de voiture est bien plus visuel que de parler d’Agenda 21 ! Pourtant, chacun dans sa vie au quotidien agit de la même manière que la mise en place d’un Agenda 21 local. La planification, par exemple : chacun planifie des vacances ou l’achat d’une table. C’est la même chose pour la phase de diagnostic : les gens font un état des lieux, se demandent s’ils ont besoin de tel ou tel objet. C’est à force d’utiliser le mot Agenda 21 local que ça rentrera dans la tête des gens. Et c’est la responsabilité des différents gouvernements de le marteler. »

Pour pallier ce manque de connaissances, des solutions existent, parmi lesquels les formations ou ateliers à l’attention des élus. Le Centre Permanent de Formation en Environnement pour un Développement Durable (CePeFEDD), l’Union des villes et des communes de Wallonie (UVCW), l’Association de la Ville et des Communes de la Région de Bruxelles-Capitale (AVCB) ou encore le Réseau Eco Consommation mettent en place ce genre d’initiatives.

Conjointement avec l’Union des Villes et des Communes de Wallonie, IEW a sorti un document faisant la synthèse des freins au développement des Agenda 21 locaux en Wallonie. Outre le manque de connaissance autour du développement durable et de l’Agenda 21 local, sont également mentionnés un contexte politique général peu favorable et un manque d’intérêt des élus, du personnel communal et des citoyens.

Vers une labellisation durable et une participation active ?

Autre obstacle recensé par IEW et l’UVCW, le manque de transversalité au sein des services. « Tant les communes que la Région wallonne elle-même doivent opter pour une politique beaucoup plus transversale et cohérente », souligne Anne Thibaut. « Tout est encore trop sectorialisé entre les services. Même un échevin qui détient plusieurs compétences n’a pas le réflexe de travailler en transversalité. » Ottignies-Louvain-la-Neuve est l’une des rares communes wallonnes à avoir développé un Plan communal de développement durable. Son bourgmestre, Jean-Luc Roland, fait également le constat de ce cloisonnement : « En Wallonie et ailleurs, les approches ont été plus souvent très sectorielles. La plupart du temps, on parle de développement durable et d’environnement, parfois de développement durable, d’environnement et de relations Nord-Sud, ou encore de développement durable et d’urbanisme. Je n’ai jamais entendu une volonté d’approcher le développement durable dans toutes ses dimensions. De plus, bien souvent, c’est un échevin qui détient la compétence du développement durable. Cela signifie que quasi inévitablement la démarche est sectorielle, alors qu’elle doit être globale. Ce qui ne veut pas dire que je jette la pierre aux autres démarches. »

Le manque de moyens financiers et humains pèse énormément dans la balance de mise en œuvre d’Agendas 21 locaux. Les communes sont invitées à œuvrer pour un développement durable, mais très souvent les finances ne suivent pas. « En Flandre, il existe des primes pour les communes qui mettent en place des actions de développement durable. Il est important de développer un cadre législatif beaucoup plus propice à la réalisation des Agendas 21 locaux », souligne Anne Thibaut. Anne Versailles, coordinatrice de la plate-forme francophone « Associations 21 pour un Développement Durable », déplore également l’absence d’aide et d’accompagnement en Wallonie : « Il manque une structure permettant de faciliter le travail. Les communes wallonnes sont un peu laissées à elles-mêmes. »

Un moyen pour pallier ce problème : la labellisation. C’est en tout cas la proposition faite par la Conférence permanente du développement territorial (CPDT). Comme l’indique un rapport de la CPDT, « l’objectif de la labellisation est de créer les conditions favorables à la mise en place d’une pratique généralisée du développement durable dans les communes wallonnes. Le processus de labellisation vise à mettre en place un système incitant les communes à s’engager dans une « démarche Agenda 21 local (A21L) » en récompensant par une politique de discrimination positive les pouvoirs locaux qui se sont engagés concrètement dans cette voie. » (3)

Qui dit Agenda 21 local, dit aussi participation. Plus que jamais, les communes devraient être des lieux de participation active des citoyens, au travers de débats publics, d’enquêtes d’opinions ou de groupes de travail, par exemple. Anne Versailles fait cependant un constat: « Il est difficile de mobiliser le citoyen sur des projets politiques, qui se veulent pourtant collectifs. Aujourd’hui, il n’existe plus de mouvements de militants. Les citoyens s’investissent dans un projet de manière éphémère. La militance est moins organisée. Pourtant, beaucoup de gens désirent donner leur avis, comme en témoigne le succès remporté par les blogs sur internet. Il faut donc trouver de nouvelles manières d’organiser cette parole citoyenne. » Il est essentiel, lors de l’élaboration d’un Agenda 21 local, d’intégrer la participation à toutes les phases du processus. Aux citoyens de sauter sur l’occasion pour y prendre part activement.

Céline Teret

(1) « Les agendas 21 locaux : quels apports sous quelles latitudes », Cyria Emelianoff, Développement durable & Territoire, mai 2005
(2) et (3) « Rapport final de la subvention 2004-2005, thème 3.2. Mise en œuvre opérationnelle de l’Agenda 21 local », CPDT, septembre 2005

Photo: www.tchorski.be

Pour en savoir plus :

2 commentaires sur “Communes belges à la traîne”

  1. Pour info, cet article qui souligne le retard pris par les communes belges n’est heureusement plus tout à fait d’actualité :-) En tous les cas en Région de Bruxelles-Capitale où 19 Agendas 21 locaux en sont à divers stades de concrétisation dans le cadre du programme « Agenda Iris 21″. Un soutien aux communes et CPAS initié fin 2007 par la Région et Bruxelles Environnement avec l’accompagnement de l’AVCB et de la Fondation pour les Générations Futures
    Pour plus d’info voir le site http://www.agendairis21.be
    Sandrino HOLVOET
    Fondation pour les Générations Futures

  2. Jeremy Plateau dit :

    Pourquoi les Agendas 21 locaux mettent tellement de temps à voir le jour ?
    J’aimerais souligner l’importance de la régionalisation (1975) qui a eu des conséquences sur la mise en place du PRD(2002) pour la région de bruxelles-capitale. Le volet règlementaire et légal ayant mis tellement de temps à être éclairci, les pcd d’alors dataient déjà…
    Les problèmes communautaires et régionaux en belgique en sont certainement pour bcp dans la lenteur de mise en place de nouvelles politiques. Dommage!