Et si on cultivait « en collaboration » avec la nature ?Reportages

8 février 2008

image permacultureL’agriculture nous est indispensable, mais telle qu’elle est gérée à grande échelle aujourd’hui, son impact sur l’environnement naturel est très (trop) fort. Il existe, pourtant, des techniques de culture plus douces. La permaculture en est un exemple, pas loin de chez nous.

Soigner la terre ; soigner les gens ; partager les ressources : ce sont les trois règles de conduite de la permaculture. Elles semblent s’appliquer à la perfection à Josine et Gilbert Cardon, fondateurs des « Fraternités Ouvrières » et artisans de cette « agriculture du non agir » (pas de pesticides, d’insecticides, de fongicides, notamment), où le but est de créer un environnement auto-suffisant et stable qui n’utilise que ses propres ressources pour se reproduire. Située à Mouscron, dans la province wallonne du Hainaut, cette association est née il y a une trentaine d’années. Madame et Monsieur Cardon faisaient alors de l’Education Permanente pour adultes. Entre les activités organisées, un petit groupe de personnes leur proposa de faire du jardinage biologique. « Vous imaginez, j’étais mécanicien dans une usine chimique. J’ai alors cherché des livres pour me renseigner », dit Gilbert Cardon.

Depuis lors, ces autodidactes ont fait beaucoup de chemin: outre avoir regroupé 6500 semences différentes, toutes comestibles, ils ont créé un potager en permaculture et ont organisé des cours et des débats sur ce thème. Aujourd’hui, les membres se rencontrent régulièrement pour donner un coup de main, pour emprunter des livres, pour les activités culturelles ou pour prendre des semences, car « ici on partage tout ».
image arbres
Sur une surface de moins de 20 ares, il y a une telle concentration de plantes de toutes sortes que parfois on en oublie d’être en pleine ville : kiwis, pommes, choux, chicorées et beaucoup d’autres, en plusieurs variétés. Toute la production est obtenue sans l’utilisation d’insecticides ni d’herbicides. Pourtant, « on a observé une augmentation continue en richesse du sol et de moins en moins de maladies dans les plantes ».

Gilbert Cardon souligne la valeur sociale de son association: « les gens qui s’occupent d’un jardin se sentent bien. Ils redécouvrent leur créativité, leur autonomie, leur liberté. C’est aussi une découverte culturelle : les personnes apprennent en faisant des choses et, petit à petit, elles se passionnent tellement pour leur activité qu’elles se remettent à lire et à étudier».

« Il ne faut pas se cacher derrière un nom »

groupe de gens
Rudolphe Koechli est ingénieur agronome. D’origine suisse, il a passé une dizaine d’années entre l’Afrique et l’Asie, où il a « vu et vécu la permaculture ». Il a même visité la ferme du Japonnais Fukuoka.

Depuis une vingtaine d’années, il a fondé à Wellin la ferme Arc-en-Ciel qu’il gère avec sa famille. De temps à autres, quelques stagiaires proposent leur aide, intéressés par les activités non ordinaires de cette structure. Leur modeste production approvisionne les consommateurs de produits naturels, ainsi que des Groupes d’Achats Solidaires .

« Je ne prétends pas pratiquer la permaculture. Ce que nous faisons ici, ce que nous expérimentons va vers l’idéal de cette méthode, mais nous avons encore un long chemin devant nous », avoue R. Koechli, qui aime se dire « prudent » au moment de définir son style de production.

Pour ce passionné, il n’est pas évident d’appliquer les principes de Mollison et de Fukuoka en Europe centrale. Des contraintes climatiques, ainsi qu’économiques et sociales, posent à la permaculture des problèmes de praticabilité – et, donc, de crédibilité. « Si nous voulons créer des choses alternatives, il faut qu’elles soient viables. Nous ne pouvons pas toujours nous cacher derrière le nom de l’une ou de l’autre forme d’agriculture ».

Pourtant, il continue tenacement à produire toutes sortes de légumes à travers un maximum de respect pour la nature ; il continue à expérimenter et à raffiner ses techniques ; il continue à transférer ses connaissances et son savoir-faire à nombre de personnes qui, chaque année, demandent pour visiter sa ferme.

Emanuela Giovannetti

Photos :
1/ Permaculture (Green Harvest)
2/ Les Fraternités Ouvrières (Emanuela Giovannetti)
3/ Ferme Arc-en-ciel (www.fermearcenciel.be)

Pour en savoir plus:

  • « La révolution d’un brin de paille » et « L’agriculture naturelle », de M. Fukuoka
  • « Permaculture Un » et « Permaculture Deux », de B. Mollison

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