Le logement social : vers le passif absoluClés pour comprendreFocus

2 août 2010

Construits selon le standard passif visant une économie d’énergie maximale, les futurs logements sociaux du Plan logement bruxellois s’annoncent exemplaires. Ces habitations participeront sans aucun doute à la réduction de l’impact environnemental global et devraient également alléger la facture des charges pour les locataires.

Montrer l’exemple

Les recommandations de la déclaration gouvernementale 2009 annoncent clairement une volonté de changement des pratiques de la construction dans le secteur public : « La Région de Bruxelles-Capitale doit viser l’exemplarité énergétique de ses propres bâtiments, toute construction neuve devra respecter au minimum le standard passif ». Durant la précédente législature, les nouveaux logements sociaux ont été conçus selon le principe de basse ou très basse énergie. C’est le cas de la cité-jardin du Craetbosch à Neder–Over-Heembeek, qui est le tout le premier projet de logement social « basse énergie » aujourd’hui achevé et habité depuis septembre.

Ce mode de construction est évidemment maintenu pour les projets en cours de construction comme les habitations sociales à Ixelles (Ernotte) et à Berchem-Sainte-Agathe (Stiénon), mais aussi pour les projets dont les dossiers sont bouclés et actuellement en attente de permis comme le projet Jacques Brel à Woluwe.

Pour les nouveaux dossiers en charge de la législature actuelle et qui ne sont pas encore lancés sur le marché, la Région opte résolument pour des constructions passives. Cela concerne en premier lieu deux projets situés respectivement à Evere et Forest. C’est plus ou moins 1270 logements qui ouvriront la voie du standard passif pour les habitations sociales et seront considérés comme projets pilotes. Un pari ambitieux qui nécessite une vigilance indispensable à toutes les étapes des projets, de la conception à la construction du bâtiment, jusqu’à l’accueil et à la formation des habitants. Les objectifs énergétiques de ces futurs logements sont de diminuer les besoins en énergie et d’approcher le plus possible la norme zéro carbone. Si la qualité technique de ces projets est ambitieuse et vise une haute performance énergétique, il en va de même pour le choix des matériaux. Ceux-ci seront de provenance locale et si possible à base de matière première recyclée et/ou recyclable. L’enjeu est bien de réduire autant que possible l’impact environnemental en utilisant des matériaux à faible énergie grise [1].

Mais pour qu’un logement passif atteigne une performance maximale, il est impératif de bien coordonner les différents corps de métier à toutes les étapes de la construction et la SLRB (Société du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale), consciente de ces difficultés, sollicitera l’avis d’un facilitateur en éco–construction afin d’accompagner les professionnels de la construction et faire un suivi des chantiers. Les projets seront également sélectionnés par un jury et les bâtiments testés en fin de construction afin d’obtenir le label Eco-Construction.

Former les professionnels et les habitants

L’habitat passif
Un habitat passif permet de réduire les pertes d’énergie par une isolation performante et une parfaite étanchéité à l’air ainsi qu’une récupération de chaleur via un système de ventilation mécanique. Si la conception est parfaitement réalisée, le logement peut très bien se passer de radiateur. A l’heure où le prix de l’énergie est en constante augmentation, habiter un logement passif peut évidemment constituer un avantage certain pour le locataire qui verra sa facture de chauffage sérieusement diminuée. Par ailleurs, le logement passif participe également à l’amélioration du confort et de la qualité de vie, offrant une chaleur constante et un climat sain en toute saison, ainsi qu’une très bonne isolation acoustique grâce entre autres au triple vitrage. En milieu urbain et de surcroît dans du logement collectif c’est un aspect qualitatif non négligeable. Les bâtiments sont conçus pour bénéficier optimalement de la lumière naturelle.

Les enjeux sont d’autant plus importants que les techniques utilisées sont innovantes. Les professionnels de la construction manquent encore actuellement de formations et de pratiques et une mise à niveau est absolument nécessaire pour garantir le meilleur résultat possible. Une fois la construction achevée, le personnel des SISP devra prendre le relais pour assurer et garantir le bon fonctionnement des bâtiments à long terme. Là aussi la formation des gestionnaires et des responsables techniques s’avère indispensable tout autant que celle des occupants. En effet, si habiter une maison basse énergie ou passive est pour le particulier une décision délibérée, il n’en est pas de même pour le locataire d’un logement social qui se voit attribuer un logement sans beaucoup de liberté de choix.

Le Home Familial Bruxellois, gestionnaire de la cité-jardin du Craetbosch, a parfaitement compris ce défi d’importance et a décidé d’anticiper les problèmes par un accompagnement social minutieux et attentif. Ces logements construits selon le concept basse énergie sont habités depuis seulement quelques mois et les locataires bénéficient d’un accueil et d’un encadrement individuel et collectif dès leur arrivée. Une farde d’accueil leur donne ainsi des explications et des conseils sur le mode de fonctionnement d’un logement basse énergie et les aide à comprendre et contrôler les index des compteurs. Les locataires reçoivent également un accompagnement pour le classement de leurs documents administratifs. L’objectif est de fournir les informations et les outils utiles afin de les aider à mieux gérer leur propre consommation d’énergie mais aussi de les conscientiser aux enjeux globaux relatifs à la préservation de l’environnement et à l’importance de diminuer notre consommation en énergie fossile. Impliquer et responsabiliser les habitants à la gestion des lieux est un gage incontournable de réussite et des réunions d’information sont organisées plusieurs mois après leur arrivée afin d’assurer un suivi régulier mais aussi et surtout d’être à l’écoute des questions et des problèmes rencontrés.

Généralement les habitants ont des difficultés à comprendre le mode de fonctionnement du système de chauffage à double flux et sont parfois tentés de boucher les ventilations, ce qui risque de dérégler le fonctionnement de la chaudière. Une période d’adaptation est absolument nécessaire et les mêmes difficultés sont à prévoir pour les logements passifs. La transition n’est donc pas simple et miser uniquement sur des constructions passives ne suffit pas. Cela nécessite absolument un accompagnement des professionnels de la construction, des gestionnaires des logements et enfin des habitants pour garantir un résultat satisfaisant. A côté de cela, quel sera l’impact sur le prix du logement et donc du loyer ? En effet, les matériaux utilisés pour l’isolation et le triple vitrage nécessaire à la réalisation d’un logement passif occasionneront des frais supplémentaires et le retour sur investissement attendu risque de provoquer une augmentation des loyers. Ces questions sont pour l’instant en cours de réflexion pour trouver des solutions adaptées pour les futurs logements.

Des projets pilotes auraient été nécessaires au préalable avant de lancer un programme de logements sociaux uniquement basé sur un mode passif, mais il y a une double urgence aujourd’hui : construire des logements à loyers modérés et modérer nos consommations d’énergie. Seul l’avenir nous dira dans quelle mesure l’expérience est exemplaire.

Isabelle Hochart
Article publié dans Bruxelles en mouvements (n°235, 19 avril 2010), le périodique d’Inter-Environnement Bruxelles (IEB)

[1] énergie grise : toute l’énergie nécessaire à la fabrication d’un produit, de l’extraction des matières premières, jusqu’à sa fin de vie.

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