Produire des semences citoyennesGestes pratiques

7 avril 2015

La Maison de la Semence citoyenne de Nature & Progrès a fait émerger des groupes locaux, avec l’intention d’échanger des semences entre citoyens. A l’occasion d’un important Forum de la Semence citoyenne, ces groupes se sont rencontrés et ont évoqué ensemble les variétés à partager pour cette année… et les suivantes. Y intervenait notamment Frank Adams, artisan-semencier et auteur de Récolter ses propres semences.

Artisan-semencier, d’origine allemande, Frank Adams est actif depuis une vingtaine d’années au Grand-Duché de Luxembourg. Lors du Forum de la Semence citoyenne organisé par l’associations Nature & Progrès en janvier, il relaie cette interrogation : comment faire pour s’organiser en Maison de la Semence citoyenne ? Frank insiste, tout d’abord, sur la nécessité de se positionner par rapport à la filière industrielle de la semence, une profession spécialisée qui prend aujourd’hui en charge ce qui était le travail des paysans et des jardiniers.

« La notion de « variétés anciennes », n’hésite-t-il pas à affirmer, est un peu poussiéreuse à mes yeux. Nous sommes dans une phase de renouveau d’une tradition qui a été presque complètement perdue. Cela renaît aujourd’hui parce qu’il y a une nécessité et pas pour des raisons vaguement folkloriques ; il faut que l’agriculture retourne à des systèmes locaux, artisanaux et naturels, et les semences ont un rôle capital à jouer en la matière. Mettre les mains dans la terre pour avoir des légumes et des semences, c’est très bien, mais connaître le contexte global de la question, c’est encore beaucoup mieux. Le sujet des semences est très moderne et très actuel ; élargir le contexte politique de la question nous le démontre. Et vouloir mettre en place une Maison de la Semence citoyenne est donc une activité hautement politique. »

Car, au fond, de quoi s’agit-il ? Il s’agit, précise encore Frank Adams, d’une initiative indépendante, non-lucrative et locale, de citoyens, de jardiniers ou de paysans, qui consiste à pérenniser des variétés traditionnelles de plantes utilitaires, à travers la culture répétée, le stockage, l’utilisation et l’échange de leurs semences. Bien sûr, on entend par semence, tout matériel de reproduction végétale : graines, boutures, tubercules, oignons… Ni les banques de semences, ni les variétés non reproductibles de l’industrie ne servent à entretenir la diversité cultivée. Entretenir la biodiversité suppose de semer et d’échanger les graines, de faire évoluer les plantes et de leur permettre de s’adapter aux conditions, aux réalités qu’elles rencontrent. Il faut donc que cela bouge ; la collection de semences doit toujours être vivante !

« Je préfère donc l’appellation « variétés traditionnelles » à celle de « variétés anciennes », insiste Frank Adams, car, si ces variétés ont bien été développées et transmises par nos ancêtres, il est important que nous les fassions vivre dans le présent afin de les développer et de les transmettre, pour le futur, à nos descendants. » Ainsi va la vie !

Dix raisons impérieuses d’agir

Mais en quoi consiste-t-elle vraiment, cette « activité hautement politique » ? Frank Adams développe alors les dix raisons principales qui doivent nous pousser à agir :
– sauvegarder la diversité génétique des plantes utilitaires qui est en train de diminuer à un rythme alarmant,
– faire un pas de plus dans la logique d’une agriculture locale et véritablement écologique : les graines de sont pas de simples intrants qu’on achète chez ceux qui les produisent, elles sont un maillon essentiel qui ferme le cycle de la vie des plantes et nous permet de l’appréhender comme un tout,
– promouvoir le concept de « semences traditionnelles », en tant que bien commun, afin de les sortir d’un contexte commercial et juridique malsain,
– cultiver in situ une richesse génétique en tant que base pour les sélections futures, en pratiquant la sélection évolutive et des croisements en plein champ des variétés existantes,
– se mobiliser dans le cadre d’une démarche de solidarité internationale pour la souveraineté alimentaire des peuples,
– se procurer des aliments de qualité élevée,
– prendre des mesures concrètes pour contrer les effets du réchauffement climatique sur les cultures car les variétés traditionnelles et localement adaptées réagissent mieux aux changements de conditions de culture,
– se préparer activement aux crises de pénurie de semences : le manque de semences biologiques est déjà une réalité car la production actuelle n’est pas à la hauteur de la demande,
– préserver, partager et développer le savoir et le savoir-faire autour de la culture semencière,
– entreprendre une activité enrichissante pouvant conduire à une nouvelle cohésion sociale, encourageante et réjouissante…

Un vaste programme…

Dominique Parizel, Julie Alluin et Delphine Dive

Extraits d’un article publié dans la revue Valériane n°102, mars-avril 2015

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