Le théâtre burkinabé, à l’école de la citoyennetéReportages

12 octobre 2005

danseurs burkina

Soudain, dans la nuit qui tombe, tams-tams et balafons déchirent le silence. Une nuée d’enfants accourent. Ils s’assoient en demi-cercle face à la scène, à même la terre battue. Derrière eux, les femmes s’installent sur des fauteuils en plastique. Un peu moins nombreux, les hommes se pressent à leur tour face au décor en bois peint. Les danses traditionnelles commencent, histoire de chauffer le public. Et puis, les acteurs déboulent sur scène. Chut, le spectacle de théâtre forum va commencer.

L’histoire de ce soir : un instituteur se fait remonter les bretelles par sa hiérarchie, parce qu’il n’y a pas une seule fille dans sa classe alors que leur scolarisation est vivement encouragée par l’Etat. Il lui faut convaincre les villageois de lui envoyer leurs filles. Les pères surtout résistent, en pensant aux travaux des champs qui ont besoin de bras. Mais finissent, bon gré mal gré, par se laisser faire. La grogne subsiste contre cette école qui ne peut rien de bon pour leurs gamines. Pourtant à la fin, quand les filles arrivent en tête des examens, même les chefs de famille bougons explosent de joie. Roulements de tambours, les acteurs saluent. Place au public maintenant. Car c’est là l’originalité du théâtre forum : après la performance des acteurs on laisse le public débattre sur le problème de société qui a été abordé.

Un animateur demande aux spectateurs de réagir : quels personnages n’ont-ils pas apprécié ? pourquoi ? quel comportement encourageraient-il ? leurs arguments ? et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’ensemble, l’assemblée trouve une solution qui fasse consensus. « Bien sûr, le texte des pièces est rédigé de façon à choquer le public sur certains comportements précis, pour le guider vers l’attitude citoyenne que notre partenaire veut encourager, explique Barthélémy Sawadogo, le directeur de la troupe de théâtre forum de Kaya. L’intérêt de cette approche est qu’on amène une communauté à trouver elle-même des solutions au problème qui a été identifié. De cette façon, elle se les approprie beaucoup plus facilement. D’ailleurs, les résultats relevés par nos partenaires commanditaires – Unicef, PNGT Programme National de Gestion des Terroirs, Plan Burkina (une ONG qui travaille sur les droits de l’enfant), etc. – sont très encourageants. Et puis ça se passe dans la bonne humeur : nos représentations sont truffées de situations cocasses, qui en font de véritables divertissements. » C’est certain, le rire est un levier de taille pour faire passer les messages qui heurtent les traditions.

Nathalie Pinson,
article publié dans la revue Symbioses, n°68

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