Regard sur « Les oubliés de l’Amazonie »Clés pour comprendre

13 avril 2020

La projection du documentaire « Les oubliés de l’Amazonie » a suscité bien des débats et interrogations à l’occasion d’une soirée organisée par l’asbl Eco-Vie. Ce documentaire invite à réfléchir sur l’impact de certaines mesures prises au nom du climat sur les populations. Il dévoile aussi l’implication de certaines grosses ONG dans cette affaire-là. Explications.

« Les oubliés de l’Amazonie », ça parle de quoi?
Au nom de la lutte contre le changement climatique, des milliers de riverains, en plein cœur de l’Amazonie brésilienne, se voient proposer de renoncer à leur agriculture ancestrale en échange d’un maigre pécule de 13 euros par mois et par famille. Que se cache-t-il derrière cette nouvelle pratique ?
En donnant la parole à ces populations, mais aussi à des scientifiques et intellectuels d’Amazonie, « Les Oubliés de l’Amazonie » montre comment, avec la complicité d’ONG, des multinationales utilisent certains instruments de la Convention Climat pour générer des profits tout en continuant à polluer en toute impunité.
Le documentaire ne prétend pas offrir des réponses toutes faites mais nous amène à réfléchir sur l’impact que certaines mesures prises au nom du climat ont sur les populations, toutes les populations, et pas seulement celles de la lointaine Amazonie.
Ecrit et réalisé par Marie-Martine Buckens, 52′, Neon Rouge / RTBF, 2017
>>Plus d’infos : https://neonrouge.com

Ce documentaire de Marie-Martine Buckens, tourné en 2017, montrait comment avec la complicité d’ONG, des multinationales utilisaient certaines conventions de la loi climat pour continuer à faire du bénéfice et à polluer impunément. Le WWF étant cité, nous étions plusieurs à nous poser de nombreuses questions lors de cette projection organisée par notre asbl Eco-Vie… Ce soir-là, nous ne pouvions y répondre, mais j’avais promis de mener une petite enquête à ce sujet et ce que j’ai trouvé n’a pas apaisé mes craintes.

Voilà ce que titrait « Mr Mondialisation », un média indépendant et gratuit en 2015 : « WWF a été fondé il y a 54 ans par quatre scientifiques britanniques qui portaient en eux un beau rêve : Peter Markham Scott, Julian Huxley, Guy Mountfort et Edward Max Nicholson. Un rêve d’une nature préservée de la folie humaine. Après un demi-siècle d’existence, et de nombreuses polémiques, l’ONG a-t-elle réussi à poursuivre son idéal originel, ou s’est-elle fait happer par le « système » ? » Dans le même article, on peut lire des faits troublants tels que celui-ci : en Indonésie 80 hectares ont été conservés pour les orangs-outans (soit une diminution de 99,5% de leur habitat d’origine) ce qui laisse la majorité du territoire aux industriels de l’huile de palme ! L’article poursuit en disant que si la création de ces réserves est une bonne chose, cette action se fait souvent au détriment des indigènes qui se font régulièrement expulser ne possédant pas d’actes de propriétés. La raison officielle évoquée est que les indigènes dérangeraient la tranquillité des animaux. Pourtant, sur place, des safaris en 4X4 sont organisés pour observer les espèces dans leur milieu naturel avec l’aide du WWF. Hormis les pollutions évidentes liées aux transports, la vie des animaux est bouleversée par les passages quotidiens des jeeps !

Si le WWF est l’un des plus grands protecteurs de la nature et des espèces menacées ainsi que de leur habitat, il est cependant troublant de savoir que différents présidents, qui se sont succédé à la tête de cette organisation, sont pour la plupart issus de multinationales (notamment Coca-Cola).
Déconcertant aussi de savoir que derrière les parcs naturels, se trouvent le déracinement de peuples … on les appelle « Réfugiés de la conservation ». Au nom de la conservation des espèces, on oblige des peuples indigènes, des tribus, qui ont toujours vécu en harmonie dans leur forêt à quitter les lieux et à survivre dans des camps parfois sans eau potable à la frontière des parcs naturels. Ces réfugiés de la conservation sont soustraits à leurs terres contre leur gré, parfois par la force, parfois par des « expulsions douces » ou par des « recolonisations volontaires ». Il y aurait plus de 14 millions de réfugiés de la conservation en Afrique.

Ainsi, l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) a poursuivi le WWF en 2017 pour violation des droits de l’Homme suite à une plainte, jugée recevable le 5 janvier 2017, déposée par le Survival Intenational. L’OCDE reprochait notamment au WWF de ne pas avoir réagi pour mettre fin aux exactions dénoncées à maintes reprises par différents observateurs. Dans un communiqué, Stephen Corry, le directeur de Survival International, ne mâche pas ses mots. «Le WWF n’a rien fait d’efficace pour résoudre les problèmes de ces milliers de personnes dépossédées et maltraitées à cause de ses projets.(…) Quelle que soit la qualité du travail qu’il peut réaliser ailleurs, rien n’excuse le fait que le WWF finance des abus concernant les droits de l’homme. Les grandes organisations de protection doivent cesser cette collusion dans le vol des terres tribales. Ces peuples (…) devraient être à la tête du mouvement environnemental.» . Le WWF ne niait pas la réalité des accusations portées par Survival International pour ces faits qui avaient eu lieu à l’encontre des Baka, un peuple de chasseurs-cueilleurs du sud-est du Cameroun, fort de 30 à 40.000 individus installés depuis des générations dans des forêts tropicales. L’ONG affirmait –sans les détailler- avoir pris des mesures, en coopération avec le ministre camerounais pour les forêts et la faune, «avec pour résultat que le niveau et la gravité des accusations ont considérablement diminué dans les zones dans lesquelles travaille le WWF».

A toutes ces accusations, le WWF répond : «Le WWF espère exercer une certaine influence politique dans l’intérêt de ses membres et des causes que nous défendons. Nous cherchons à impliquer stratégiquement l’industrie, car l’industrie a des impacts environnementaux majeurs », ce qui expliquerait que l’association octroie son logo à des multinationales comme Coca-Cola ou Danone, en contrepartie de mesures environnementales pour lesquelles s’engagent ces multinationales.

Alors vraies mesures ou greenwashing ??? … Rien n’est jamais tout à fait blanc, ni tout à fait noir… Difficile d’y voir clair.

Sylvia, Eco-Vie asbl
Article publié dans Eco-Vie n°309 (janvier-février 2020)

Sources :
- L’envers des parcs naturels : les tribus victimes de l’écologie, ORION MAGAZINE – GREAT BARRINGTON (MASSACHUSETTS) Publié le 21/02/2007 – 15:48
- Journal de l’Environnement janvier 2017
- Mr Mondialisation : le silence du Panda ou ce que le WWF ne vous dira pas, 30 août 2015

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